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Page 1 : Trek du baltoro
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22 juillet 2005 : Chitral s'ouvre à son histoire
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C'est au cours d'une visite au petit musée de Chitral que j'ai rencontré Mohammed Zahir, le directeur des fouilles engagées dans la vallée de Chitral depuis cet été. 70 sites de fouilles ont été recensés dans la vallée, les premières fouilles ont débuté dans le village de Singour, à 5 kilomètres de Chitral. Ces fouilles sont financées par l'Etat et le musée a été bâtit en 2004 ; ce sont là 2 signes de l'intérêt nouveau que porte l'Etat au patrimoine historique de la région.
Visiter ce chantier de fouilles est passionnant. D'une manière très professionnelle, une dizaine d'hommes fouillent précautionneusement d'anciennes tombes datées de 1800 à 600 avant JC, c'est-à-dire à une époque antérieure à l'invasion grecque d'Alexandre le Grand (333 avant JC) et au début de la culture gréco-bouddhiste du Gandara, dont on peut voir d'exceptionnels témoignages au très beau musée de Peshawar. Les tombes fouillées sont identiques à celles que l'on peut trouver en Asie Centrale, m'explique Mohammed. Il s'agirait donc de peuplades venues des régions du Nord qui ont probablement dû passer par les hauts cols de l'Hindukush. Les tombes contiennent des ossements (les corps étant placés de côté, les jambes repliées), de très beaux bijoux en coraux ou en bronze, des bracelets, des pointes de flèches en fer, des poteries de formes diverses. Pour ces dernières, le directeur des fouilles peste contre les femmes du village situé à côté du chantier qui viennent la nuit voir et toucher les poteries, surexcitées par ces trouvailles.
"What can I do ?" me demande-t-il. Les Kalashs habitent les vallées de Birir, Bumboret et Rumbur,
situées chacune à la frontière afghane. La vallée
de Rumbur, la plus authentique des trois, est une vallée habitée
presque essentiellement de Kalashs, mais une mosquée trône
au milieu du village, les amplis des hauts parleurs perturbent 5 fois
par jour le silence de la vallée. A Bumboret, c'est différent,
il faut chercher des yeux les Kalashs pour les trouver, la vallée
est colonisée par les Chitralis attirés par les affaires
touristiques, un hôtel de luxe est même en construction. En
développant le tourisme et en expropriant les Kalashs de leurs
terres, le Pakistan tue les Kalashs : 5000 Kalashs habitaient les vallées
il y a 20 ans, 1500 actuellement. Le patron de mon lodge ne cache pas
sont amertume. "Même ici à Rumbur, les Punjabis commencent
à venir, ils ne respectent pas nos femmes, insistent pour prendre
des photos... C'est vrai que nous ne sommes que des Kafirs (non-croyants)
pour eux". P. Mousharaf, en visite mi-juillet dans la région
de Chitral, a fait un discours dans lequel il s'est montré très
rassurant quant à la protection des minorités, nombreuses
dans les territoires du Nord, mais ce discours sera-t-il suivi d'actes
? Ce qui surprend de prime abord en remontant la vallée de Rumbur, c'est de croiser le regard des femmes, omniprésentes et superbes dans leurs habits colorés et qui vous saluent vivement de la main.
Chez les Kalashs, on renoue les liens avec la moitié de l'humanité,
de façon brutale et charmante. Les franches parties de rigolade
avec les femmes font du bien au moral ! Très coquettes, elles sont
habillées de parures sophistiquées, portent des colliers
de perles et des coiffes ornées de coquillages, ce qui n'est pas
sans rappeler la Perak des femmes ladakis, les coquillages remplaçant
les turquoises. Les hommes ont eux adopté depuis longtemps le Shalwar
Kameez, la tenue traditionnelle pakistanaise faite d'un pantalon large
et d'une chemise longue.
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20 juillet
2005 : Expédition Nanga Parbat 2005 Bravo a Georges, Hugues et Bernard ! |
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Alors qu une partie de l'équipe se séparait du groupe pour mésentente, Georges, Hugues et Bernard ont tentés le sommet alors que Marie restait semble-t'il au camp 4. Je devais rencontrer l'équipe fin juillet mais ils m'ont pris de vitesse donc je dispose de peu d'information sur les conditions d ascension, mais ils l'ont fait et sans oxygène avec un temps d acclimatation remarquablement court : Bravo a eux, il fallait le faire !
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Lundi 4 juillet 2005 : Nanga Parbat, camp de base
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C'est au bout de la vallée de Diamir, au pied de la vertigineuse
face Ouest du Nanga Parbat et du non moins célèbre pilier
du Mazeno que se niche le camp de base. De là, la voie Kinshoffer,
la voie normale du Nanga, s'élève droite dans la pente à
gauche des énormes séracs qui menacent la directissime voie
Messner d'où se dresse la très belle pointe Mumery (au pied
de laquelle Mumery se perdit dans la première tentative en 1895).
A droite de la montagne, l'énorme big wall du Mazeno impressionne autant que son voisin le Nanga (cette longue arête, l'un des derniers grands défis himalayens à relever, a une fois de plus repoussé les assauts des himalayistes : le Suisse Jean Troillet (http://www.troillet.ch) s'est arrêté aux alentours de 7000 mètres côté Rupal fin juillet).
Voilà pour le décor. Le camp de base compte pas moins de sept expéditions (1 française, 1 italienne, 2 espagnoles (1 des Asturies), 1 internationale, 1 suisse, 1 géorgienne). Outre notre équipe francas, les tentes abritent du beau monde : tous ces hommes sont très célèbres dans leur pays et ce fut un immense plaisir d'échanger quelques mots avec eux :
- André Georges (http://www.andregeorges.ch), trahi par son estomac, a raté son dixième 8000 à 150m du but ; son coéquipier Laurent Gilloz est allé au sommet et a quant à lui réussit son premier 8000. L'équipe a été fortement aidée par un homme d'une force exceptionnelle aux dires d'André, Ali Resa, porteur d'altitude natif d'un village près de Satpara Lake. En grimpant le NP, il aura grimpé son 5ème 8000 dans l'ombre des vedettes. Chapeau bas M. Ali. - Les Tchèques Radek Jaros et Petr Masek ont suivi la trace des Suisses mais seul Radek est arrivé au sommet, Petr épuisé a renoncé 200m sous le sommet. Notons que ces 2 Tchèques n'ont bénéficié d'aucun porteur d'altitude, et n'ont pas utilisé d'oxygène (comme toutes les expés du camp d'ailleurs), en style quasi alpin et se sont épuisés à faire la trace du camp 2 au camp 3 ; des détails qui ont leur importance et qui magnifient encore plus leurs performances. Voilà pour les summiters pour l'instant, les grimpeurs suivants vont tenter leur chance ce mois-ci : - Iban Valeo, professionnel, en est à son 10ème 8000 - Edurne Pasaban (http://www.edurnepasaban.net), l'une des 2 femmes (vivantes) à avoir grimper le K2 - Sandrine de Choudens, plus grimpeuse de rocher qu'alpiniste, et dont on se rappelle son fameux article sur les tours de Trango et son hommage a son défunt mari dans le journal Vertical (n°39) - Soutenue par Jorge Egocheaga : il n'a pas voulu me dire à combien de 8000 il en était (Everest sans oxygêne !) et m'avoue qu'il s'en moque, pas de vantardise dans cette sympatique equipe des Asturies -
Carlos Pauner (http://www.carlospauner.com): en est à son 5ème 8000 ; il a laissé les phalanges de ses mains et de ses pieds sur le Kangchenjunga où une tempête près du sommet et une chute lui ont valu d'être la victime d'une des plus dramatiques aventures de l'Himalaya (il reviendra au camp de base après 3 jours d'errance dans la montagne avec en poche une nouvelle voie tracée dans la face Sud certes, mais a quel prix !). Il me dit que le Kangchenjunga est la plus difficile montagne du monde (bien avant le K2), un avis partagé dans le milieu professionnel. Il compte écrire un livre sur son aventure. - Silvio Gnaro Modinelli (http://www.gnaromondinelli.it) tente son 11ème 8000. Lui aussi est dans la course aux 8000 et travaille au camp de base avec une équipe de télévision espagnole pour la célèbre emission "Al filo de lo Iimposible". Comptons aussi :
Et j'en oublie beaucoup, parmi eux certainement beaucoup de porteurs d'altitude, héros anonymes d'expéditions qui glorifient souvent trop les grimpeurs de pointe, sous les feux des projecteurs. Ces hommes font souvent un travail âpre et difficile en altitude, le plus ingrat : quand les forces viennent à manquer à cause du manque d'oxygène, ces hommes répondent toujours présents pour faire la trace par exemple, préparer a manger ou rigoler un bon coup. Car on a souvent besoin d'eux pour leur force exceptionnelle et aussi (et c'est primordial) pour leur jovialité et leur humour lorsque là-haut, tout va mal, quand la tempête fait rage, que les toiles claquent sans relâche dans l'espace exigu des tentes et que l'on va jusqu'à s'inquiéter pour sa propre vie dans l'enfer impitoyable de la haute altitude. Ali Reza et Qudrat Ali sont de ces gens-là, dotés d'une force à toute épreuve et d'une gentillesse exceptionnelle. Citons aussi Rajab Shah, Mehranban Shah, little Karim et bien d'autres encore sans qui bien des tentatives d'ascensions auraient échoué. Du camp 2, la voie emprunte un couloir menacé par un gros sérac, peut-être la portion la plus dangereuse ; le camp 3 est installé en bas d'un ressaut rocheux appelé le Kinshaoffer wall. Passé ce ressaut (25 m en cotation 5A, le ressaut est équipé d'échelles), la voie est tracée dans une belle mais très forte pente de neige jusqu'au camp 4 installé près de la corniche d'où le chemin bifurque vers le Sud sur le glacier de Diamir presque plat. Le camp 5 est placé sous le sommet à 7400m d'où l'on peut faire l'assaut final jusqu'au sommet. Notons que la voie Kinshoffer n'est pas la voie historique du sommet, ce qui est rare sur un 8000.
Chaque équipe dispose de ses propres sources météorologiques et s'échange, recoupe ses infos pour plus de sûreté. Cet aspect est devenu indispensable pour la sécurité des expéditions en Himalaya, les statistiques de mortalité sur les 8000 s'en sont trouvées réellement améliorées depuis. En effet, on peut désormais prévoir une dégradation météorologique avec grande précision grâce aux données aérologiques disponibles entre autres pour l'aviation civile et militaire. Le Nanga Parbat etait connu pour être la montagne des tempêtes, les plaines surchauffées du Panjab laissent échapper des orages qui viennent frapper avec une grande violence cette montagne. Grâce aux prévisions météorologiques, cette réputation est-elle en passe de disparaître ?
Yan Giezdanner assure la météo de l'équipe française depuis Chamonix. La précision de ses prévisions sont reconnues autant par les montagnards que par les navigateurs. Apres 10 jours de ciel bleu ininterrompu (très exceptionnel dans la région), la météo s'est finalement fortement dégradée et la neige est même venu recouvrir le camp de base à seulement 4000 m. Prévisions : une semaine de mauvais temps, tout le monde fait grise mine, cela veut dire qu'il va falloir attendre pour installer les camps supérieurs, refaire la trace, peut-être refixer les cordes sur la pente... Cela risque de bouleverser les plans longuement pensés pour l'installation des camps supérieurs, des stratégies pourtant longuement préparées. Le beau temps revenu, les équipes ne pourront plus ronger leur frein et risquent de prendre des risques inutiles dans les pentes sans attendre de voir purger les couloirs à avalanche.
L'équipe française composée de Marie-Christine, Hugues, Philippe, Christophe, Georges et Bernard n'a pas perdu son temps. Sitôt les tentes montées au camp de base, l'équipe est partie installer le camp 2 à 4800m, au pied de la voie Kinshoffer. Georges et Marie-Christine sont même montes haut dans la pente vers le camp 3 tandis que Philippe et Christophe se sont fait une belle frousse quand une avalanche s'est arrêtée juste au dessus d'eux. Par la suite, tout le monde est redescendu au camp de base pour poursuivre une acclimatation qu'ils ne peuvent pas forcer. L'équipe est dotée d'une grande expérience et sait bien qu'en matière d'acclimatation et de globules rouges (taux d'hématocrite ou d'oxygène dans le sang), il faut laisser le temps au temps (rappelons que l'équipe compte grimper jusqu'au sommet sans oxygène).
Sous la tente mess, l'ambiance est excellente. Marie-Christine, dentiste de métier, a improvisé un laboratoire dentaire de fortune pour arracher une grosse molaire à l'un des porteurs qui souffrait le martyr. Gilles qui fait partie de l'expé internationale se joint à nous pour de fréquentes parties de tarot. L'ambiance est bon enfant, Philippe fait rire tout le monde. Mais ne
nous y trompons pas, l'équipe est résolue et déterminée
à en découdre avec la montagne. Avant de partir du camp
de base, Christophe pensif et très concentré sur son sommet
me disait : "Pour parvenir au sommet, il faudra avoir une condition
physique exceptionnelle, avoir de la chance, et accepter de vivre comme
un animal !". Souhaitons donc bonne chance à toute l'équipe
pour qu'elle revienne victorieuse de ce très beau challenge ! Je
remonte au camp de base fin juillet, vous pourrez par la suite lire le
résumé de cette aventure qui vient tout juste de commencer.
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