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TREKKING
BIAFO HISPAR
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Ci dessous une illustration imagée du glacier
de Biafo, de sa langue terminale jusqu'à la calotte de glace
du Snow Lake :

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Jeudi 17 août - KARPOGORO (4680m) - 5 h.
de marche - soleil !
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L'équipe au pied du Sosbun
brakk. Une pointe qui ressemble aux Drus de Chamonix.
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Le soleil est au rendez-vous ce matin et vient réchauffer lair
glacé. Après le tchaï et les chapatis coutumiers,
nous partons. La glace vive qui nous avait bien aidés hier se
rebiffe désormais, cest en zigzaguant entre des crevasses
béantes quil faut progresser, la marche est aisée
mais lente.
Depuis plusieurs jours, nous avons le Sosbun brakk (6413m) en point
de mire. Aujourdhui, nous passons presque à ses pieds.
Toute sa forme sélance avec élégance vers
son sommet aérien. Je ne sais si cest leffet de laltitude
mais je trouve sa couleur changeante, parfois grise, parfois orange,
cest surréaliste !
Puis nous quittons le glacier pour enjamber des gros blocs de granit,
je marrête souvent pour reprendre mon souffle, les porteurs
eux sont loin devant, infatigables. Karpogoro se situe au bout de cet
énorme champ de pierre. Ce lieu est cité dans mon guide
comme un lieu parfois visité par les ours mais heureusement ou
malheureusement, nous nen verrons pas un seul. On installe ma
tente en haut dun bloc gros comme une maison, je suis au-dessus
des glaces à la dérive, cette pierre finira en bas comme
toutes les autres, cest un perchoir idéal pour observer
les grandes faces Nord et le Sosbun brakk omniprésent.
Ici, lérosion est à la hauteur de la poussée
exceptionnelle de la terre vers le ciel : cette énergie positive
est sans cesse laminée par la force animée des glaciers.
Ici, la glace atteint la vitesse pas croyable de 1 mètre par
jour, bien plus que les 100 mètres par an de la « mer de
glace ». Du haut de mon radeau perdu au milieu de cette mère
de glace, jobserve lérosion faire son uvre
: sans cesse des craquements étouffés brisent le silence,
des pierres énormes tombent dans les crevasses et sont avalées
sous mes yeux par le monstre aux multiples bouches. Hassan me dit que
le glacier a tendance à régresser mais le phénomène
semble moins important quen Europe. Ici, les glaces réagissent
surtout aux précipitations de la mousson, aléatoires dans
cette région.
Demain, jai prévu une trève dans cette randonnée
glacière et rester ici afin daller visiter le Snow Lake,
mais des nouveaux nuages de mousson arrive du Sud et viennent assombrir
prématurément le ciel du soir. Pourquoi Hassan se montre-t-il
inquiet ? trois jours de beau pour 1 jour de mauvais, cest à
peu près le temps quil fait ici à cette saison me
dit-il, nous avons donc épuisé notre capital... Cela dit,
jai confiance, il ny a pas de vent et cest plutôt
bon signe.
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Vendredi 18 août - KANI BASA CAMP (4600m)
- 11 h. de marche - neige :
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Les crevasses du Biafo sur le
plateau du Snow Lake sont parfois profondes et dangereuses. L'heure
du thé glacé..
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Je me réveille nerveux à 5 heures trente du matin, il
a un peu neigé cette nuit. Je sors la tête dehors, le ciel
est dégagé à lest mais bouché à
lOuest, sachant que la mousson viendrait logiquement de lEst,
ces nuages noirs ne seraient que la queue dune vague nuageuse.
Je sors confiant et vais avaler un green tee et quelques fruits secs
à la cuisine. Je demande à Hassan « whats
your opinion about the weather ? », « the weather maybe
good today, if you want to stay, we stay». Je réfléchis
et sort dehors : à présent, le ciel est bouché
à lEst quant à lOuest, nen parlons pas.
Je réponds à Hassan sans hésiter «we go !
», une décision qui savérera providentielle.
Nous débutons la marche puis les hommes sarrêtent
brusquement au bord des premières glaces. Après un moment,
les 5 hommes se mettent à chanter en cur une prière,
implorant probablement Allah de les épargnés du malheur,
le ton ajoute à la solennité des cathédrales de
pierres alentours, je comprendrais bientôt pourquoi cette prière
La partie supérieure du Biafo nest pas facile, il faut
zigzaguer et sauter sans cesse au-dessus des crevasses. Mohammed est
en position déclaireur, ensuite Hassan (bis), Rasoul puis
Ali suivent, Hassan et moi fermons la marche, ce sera lordre hiérarchique
de la journée. Le ciel sassombrit toujours et nous marchons
dans la neige fraîche à présent. Nous découvrons
le Snow Lake dans la grisaille, le panorama ne mémeut pas,
il fait froid et il commence à neiger. Nous arrivons au pied
du col dHispar. Nous nous arrêtons pour nous encorder, Hassan
a un mal de chien à faire les nuds, il est anormalement
nerveux. Nous continuons sur la pente du col où je marrête
souvent pour reprendre mon souffle, Hassan me propose de prendre mon
sac mais je refuse. Le temps est pourri, il neige fort et cest
trop tard pour rebrousser chemin car il est déjà midi.
Nous passons le col sans joies, dans la purée et la tempête
maintenant, nous sommes au sommet de cette randonnée glacière
à 5150m Nous faisons une pause chapati en contrebas, en plein
vent, Hassan nhésite pas à sortir le réchaud
pour chauffer le thé, la pause est bien venue car je nai
pas assez mangé ce matin et la dépense dénergie
est importante. Nous repartons, et cest alors que la vue souvre
sur un champ énorme de crevasses béantes dont je ne soupçonnais
pas lexistence. Mohammed premier de cordée avance prudemment,
il sonde sans cesse la glace avec son bâton en bois aux abords
des crevasses abyssales. Il nest pas rassuré, il hésite
et sarrête souvent pour demander des conseils à Hassan.
Je regarde la tête de mes compagnons, cest un peu la panique
dans leurs yeux. Ça commence à bien faire, je commence
à vraiment flipper moi aussi. Nous rebroussons plusieurs fois
notre chemin et passons finalement des ponts de glace peu sûrs.
La neige tombe toujours à gros flocons et une avalanche invisible
dévale dans notre dos dans un grand bruit de tonnerre. Non, il
ne fait pas bon rester planter là, nous accélérons
la descente mais le vent a cessé et nous commençons à
y voir clair dans ce terrain piègeux. Après 1 heure, nous
nous dirigeons vers la rive droite du glacier, le terrain saplati
et les crevasses sont derrière nous. Ouf ! , Cétait
vraiment difficile là haut et si nous sommes passés sans
encombre, cest peut-être un peu grâce à la
prière de ce matin. Je ne manque pas de féliciter Mohammed
pour le travail accompli dans cette traversée glacière,
il est génial, je ne savais pas quil y avait un aspirant
guide dans le groupe. Après une courte pause, nous retrouvons
une moraine noire et laide dans un décor de train fantôme.
Pour moi, le cur ny est plus, mes jambes non-plus et jerre
maintenant dans la pierraille infinie. Je suis au bout du bout, je fais
une hypoglycémie. Hassan moffre quelques fruits secs et
prend mon sac que je délaisse avec plaisir cette fois-ci. Les
porteurs sont toujours aussi endurants, comment font-ils pour être
aussi forts ? Ils métonnent vraiment, je noublie
pas quils ont 25 kg sur le dos, pas déquipement convenable,
sans parler quils ont un peu risqué leur vie aujourdhui
: Japplaudis des 2 mains ! Nous arrivons à Kani Basa Camp
à 6 heures du soir, un rayon de soleil vient nous accueillir.
Jai quelques souvenirs de marche forcée mais celle-là
est à inscrire au top ten du palmarès.
Nous resterons ici demain pour recharger les batteries. Hassan me dit
que si nous avions décidé de rester aujourdhui à
Karpogoro, nous naurions pas pu passer le col demain, ni les jours
suivants, sûrement aurions-nous du rebrousser chemin jusquà
Askole. « We are very lucky ! », à qui le dis-tu
Hassan ?!
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Samedi 19 août - KANI BASA CAMP - neige et
soleil :
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L'équipe au complet.
Le col d'Hispar s'ouvre devant nous.
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Kani Basa Camp est situé dans une échancrure abritée
des avalanches, au confluent du glacier dHispar et du Kani Basa
Glacier descendant du Kanjut Sar (7760m), une végétation
hésitante y reprend ses droits.
Il a neigé toute la nuit et ma tente na pas résisté
au poids de la neige, elle sest effondrée sur moi par deux
fois. A 8 heures, je sors le nez dehors, trente centimètres de
neige lourde recouvrent les pierres mais la neige a cessé.
Je me lève et vais voir léquipage, ils nont
pas fermé lil de la nuit à cause du froid,
ils sont crevés et cette journée de repos ne sera pas
de trop. A lheure quil est, il devrait déjà
faire 40 ° à Rawalpindi, ici ça gèle, cest
lhiver et je ne men plains pas car jaime la neige.
Les avalanches dévalent mais restent invisibles. Le soleil vient
timidement percer le brouillard et les sommets dévoilent leur
beauté. Je massois sur un rocher et jobserve : les
montagnes sont lourdes, les sommets sont moins effilés que de
lautre coté du col. On rencontre ce type de montagne en
Himalaya. Combien de fois dans mes lectures jai pu lire la confusion
des chaînes du Karakoram et de lHimalaya, cest une
erreur. Karakoram veut signifie « les montagnes noires »,
(le noir faisant plus allusion au caractère désolé
et dangereux du lieu quà la couleur), Himalaya signifie
en sanskrit « demeure des neiges » et il nest pas
un secteur de la chaîne qui ne justifie amplement ce nom. Cette
traduction suffit à elle seule pour expliquer leur différence.
LHimalaya bien que très longue et ayant parmi ses sommets
le plus haut du monde est moins étourdissant que le Karakoram.
Dexpérience, je peux dire que les sommets himalayens sont
souvent arrondis et lourdement chargés de glace (à part
quelques exceptions comme par exemple le Machapuchar, le Nuptse, lAma
Dablam, toute la partie de Garwal Indien, etc..), schisteux à
limage de lEverest mais ne présentent pas lélégance
de la plupart des sommets du Karakoram. Ici, tout pointe vers le haut,
de la base aux sommets : ce massif est jeune, puissant et peu ou pas
érodé, laltitude moyenne de la région est
de 3500m, record mondial. Le Karakoram est le plus important nud
orographique du monde, y convergent lHimalaya, lHindou-Kouch
(et lIndu Raj), Le Kun Lun, le Pamir et Tien Shan plus au Nord,
le Karakoram est vraiment le troisième pôle de la planète.
Il se met à neiger à nouveau et je me réfugie sous
la tente de mes compagnons. La journée se passera tranquillement,
entre siestes, neiges et soleil.
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Dimanche 20 août - HAGURE SHANGALI CHAM (4400m)
- 4 h. de marche soleil !
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Hagure Shangali Sham est une agréable
prairie d'altitude. Le glacier d'Hispar s'enflamme dans la lumière
du soir.
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Nous renouons avec les petites journées et ce nest pas
un mal. Les jambes répondent bien et jai la patate, lentraînement
sur cette randonnée glacière paie ce qui nest pas
le cas de mes amis, peut-être la rançon du surentraînement
? Nous traversons dabord le glacier de Kani Basa, doù
nous pouvons observer dassez loin la face Sud du Kanjut (7760m),
puis le chemin fait le yo-yo sur la rive droite de lHispar ce
qui est aussi fatiguant que de marcher sur le glacier lui-même.
Un parfum dhumus traîne dans lair, les plantes ressurgissent
déjà du sol au fur à mesure que nous perdons de
laltitude, elles se plaisent à pousser sur les versants
exposés plein Sud. Nous quittons peu à peu le monde minéral
et sans vie et arrivons à Hagure Shangali Cham, une jolie prairie
perchée à une centaine de mètres au-dessus de lHispar.
Il fait presque chaud sous le soleil, jen profite pour faire un
peu de lessive mais surtout la grande toilette simpose. Mohammed
sait tout faire, même la cuisine. Il mapprend comment cuire
le riz, le dhal (lentilles), les allos (pommes de terre), les chapatis,
etc.
le rituel du repas est le suivant : je massieds accroupis
devant une petite bâche en plastique où lon dispose
mon assiette ornée dun oignon coupé en tranche,
dun peu de sel. Ensuite on me sert la mixture dhal, pomme de terre
et 2 chapatis. Les autres attendent quHassan et moi commencions
à manger pour débuter le repas. Si nous avons une assiette
chacun, les autres mangent à même la cantine. Ce service
est gênant car je ny suis pas habitué mais servir
le client est ici une institution autant quau Népal. Jai
par 2 fois fait du tord à la hiérarchie du groupe : En
premier, Hassan ma demandé maintes fois de laisser mon
sac aux porteurs ce que je refusais jusqualors, certainement était-il
plus lourd que le sien, en tout cas plus volumineux. La seconde fois
cétait hier quand jai voulu lui passer mon duvet
en polaire pour quil puisse dormir plus chaudement mais son refus
a été plus que catégorique, ses yeux étaient
coléreux. Guider, porter, servir sont les premiers métiers
de ces gens, ils ne gâchent pas leur gagne-pain et cest
finalement tant mieux.
Le soir, le soleil rougeoyant vient plonger pile dans le V de la vallée
orientée Nord-Ouest. En deux minutes, les montagnes senflamment
de milles feus pour séteindre aussitôt.
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Lundi 21 août - BITAMMAL (3660m) - 9 h. de
marche - nuages et soleil :
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Hassan grimpe dans l'épuisant
glacier de Jutmo. L'arc-en-ciel annonce le soleil mais aussi la
pluie
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Ce matin, je me réveille de mauvaise humeur sans raison. Je
nai pas encore fini mon sac que Hassan irrite un peu plus mon
humeur lorsquil me fait remarquer que nous devions partir à
7 h. 30 alors quil nest seulement que 8 h moins 20. Nous
partons et maperçois que mes jambes sont vides alors que
Mohammed, Ali, Hassan bis et Raoul galopent devant moi. Nous nous apprêtons
à traverser à présent le glacier de Jutmo, affluent
de lHispar qui descend tout droit du cirque formé au Nord
par le Kanjut Sar (7760m) à lest, le Yutmar Sar (7330m)
au Nord, le Khunyang chhish (7852m) à lOuest, une vue qui
aurait pu être fantastique si le temps avait été
clair, malheureusement il ne lest pas, je suis découragé
par le sort. Et puis mes amis vont décidément trop vite
pour prendre le temps de se poser, Hassan me dit « Long walk today
! », alors je craque « oui je sais, mais ce sont les vacances
! oui ou non ? ». Mais que se passe-t-il aujourdhui ? en
plus jai fait des cauchemars cette nuit, il y a des jours comme
ça... Hassan, prudent, me promet que nous irons moins vite maintenant.
La traversée du Jutmo qui ne fait que 2 kilomètres de
large savérera être un énorme piège.
Le glacier est très perturbé, cest un labyrinthe
formé dune succession de ressauts infranchissables sans
crampons entrecoupés de profondes crevasses, obligé donc
de contourner tous ces obstacles en devinant le meilleur chemin avec
beaucoup dintuition. Chacun y va donc de son propre flair et nous
nous perdons les uns les autres. Cest une véritable course
dorientation maintenant, Hassan le porteur est le meilleur à
ce jeu la puisquil semble avoir trouvé la clé du
problème avant nous, Hassan et moi sommes perdus mais pas autant
que Mohammed déjà distancés dau moins 500
mètres en aval du glacier, Ali et Rasoul sont encore derrière
et suivent de loin. Nous nous retrouverons sur le coté opposé
du glacier après 2 heures de lutte ! Nous remontons la moraine
et retrouvons un peu de verdure. Nous croisons la tombe dun porteur,
Hassan me dit quil est tombé dans une crevasse sur le glacier
du Jutmo lannée dernière. Décidément,
ce glacier fait froid dans le dos.
Après 2 heures de chemin facile, nous voyons déjà
les premiers yaks, Hassan bis court derrière et samuse.
Puis, nous redescendons à mon grand regret sur la surface de
lHispar, mes jambes ne sont pas meilleures que ce matin et je
rame à enjamber de nouveau les pierres. Le chemin remonte enfin
sur la moraine pour atteindre un balcon, en 1 heure nous arrivons dans
lherbage de Bitammal. Finalement, le chemin de cette randonnée
na pas cessé de monter et descendre toute la journée,
Bitammal est un havre rêvé pour le repos, je décide
de rester ici demain pour aller explorer le glacier du Kunyang doù
je pourrais contempler le Distheghil Sar (7760m) et le formidable Trivor
(7728m) tout proche mais invisible.
Ce soir, Rasoul ramène un tas de bouses de yaks pour le combustible,
Hassan bis court après les lièvres, Hassan, Ali et Mohammed
croquent à belles dents de la rhubarbe sauvage : Bitammal, cest
vraiment le paradis !
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Mardi 22 août - BITAMMAL - nuages :
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Le soleil timide illumine le
fond de la vallée. Bitammal est une prairie fleurie, ici
une orchidée.
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Il a plu toute la nuit et le temps est bouché ce matin mais
jai encore espoir de voir le grand beau avant ce soir. Le Trivor
est une montagne mystérieuse, jaimerais vraiment en ramener
au moins une image, quant au Distheghil, elle nest pas vénérée
par les habitants de Shimshal pour rien.
A 4 heures de laprès-midi, je perds tout espoir de faire
une photo aujourdhui, le soleil illumine pourtant laval
de la vallée mais ici, les nuages saccrochent. Je suis
abattu par la malchance, demain matin le temps sera peut-être
meilleur
, sil fait beau, je reste ici une journée
de plus pour une moisson de photos.
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Mercredi 23 août - HURU (2972m) - 9 h. de
marche soleil !
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Ombre et lumières, bosses
et creux
Pose au bord du chemin, Rasoul et Ali sont heureux
d'en finir.
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Je me lève sans illusion. Toute la nuit, la pluie a fouetté
la toile de ma tente, il fait humide et froid, vraiment le dieu des
montagnes nest pas avec nous, je le maudis ! Le temps davaler
2 chapatis, un tchaï et nous sommes déjà partis.
Nous traversons le glacier du Kunyang, notre dernier glacier et je regarde
vers lamont, tout est gris.
Le chemin est facile et
le soleil apparaît ! Au fil de la
descente, latmosphère se réchauffe, nos esprits
aussi. Hassan le porteur se met à courir derrière les
lièvres, il en a repéré un sous une pierre. Tandis
que mon guide attend embusqué devant, Hassan essaie de le déloger
et paf ! un grand coup sur la tête, le lièvre est assommé.
Grands éclats de rires de Ali, Rasoul et Mohammed tandis que
je mapitoie sur le sort de lanimal. Je suis rassuré,
il est juste assommé, je prends une photo, à défaut
de sommets
Nous croisons un groupe d ânes. « Lorsquil y
a des ânes, il y a des hommes » me dis-je, nous approchons
du village dHispar. Le chemin descend rapidement vers Hispar.
Les hommes du village dHispar nont pas la réputation
dêtre très accueillants ce que je vérifie
lorsquun notable du coin refuse de me serrer la main, quil
aille au diable. Il est midi et nous nous mettons « à table
». entouré des gamins du village.
Après une heure de pause, nous poursuivons notre route sur la
piste menant à Huru, le glacier dHispar est derrière
nous, cest vraiment la fin de cette randonnée glacière
et mon cur se serre mais je pense au coke et aux biscuits qui
mattendent dans la vallée, mon foie nen peut plus
des chapatis !
Il fait chaud maintenant, très très chaud et la route
nen finit pas, Huru est plus loin que je ne pensais. Cest
en fait 20 kilomètres de piste monotone quil faudra parcourir
avant de terminer par une très rude grimpette, les porteurs sont
toujours infatigables, moi je suis complètement vanné.
Huru est une ferme rien de plus, avec 3 parcelles de récoltes,
50 chèvres, 3 vaches et cest tout. Le vieux nous offre
quelques abricots frais, un délice pour une bouche contrariée
qui retrouve soudainement ses papilles. Au loin, japerçois
au loin ma montagne fétiche, lUltar Peak, en bas de laquelle
se niche Karimabad la merveilleuse !
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Jeudi 24 août - NAGAR (2300m) - 6 h. de marche
soleil !
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Petite fée et petit prince
sur le chemin de Nagar. Les vergers de Nagar, c'est presque la
Normandie !
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Nous nous réveillons à 5h30 du matin. Nous levons le
camp rapidement avant de dire au revoir au vieil homme à qui
nous avons donné le reste de nos convives. La piste descend fortement
mais le terrain est facile. Nous croisons 2 chasseurs armés jusquaux
dents. Ils vont chasser lIbex près du lac Rush Phari, les
Ibex y sont nombreux me dit Hassan. Nous rejoignons enfin la rive de
la rivière Hispar à la confluence de la vallée
de la Barpu. Le glacier de la Barpu descend du formidable Golden Peak
(7028m). Il est immense et lèche les premières terrasses
de loasis de Nagar tout proche. Le Golden Peak au fond, dressé
comme un I est impérial. Cette montagne doit son nom au marbre
compact rose orangé du pilier Nord-ouest (Golden Pilar) qui capte
merveilleusement bien la lumière du soleil couchant. Cet irrésistible
défi de 2100 mètres de vide sera osé et vaincu
par 2 Anglais (Fowler et Saunders) en 1987 en seulement 5 jours, en
style alpin sil vous plait. Ils réussirent à vaincre
lune des dernières provocations du Karakoram.
Il aura fallu quant à nous 6 heures pour rejoindre Nagar qui
est un vrai régal pour les yeux. Tout y est dun vert intense,
aussi vert que le jaune du désert partout présent. Avec
nos bâtons, nous secouons les branches des abricotiers pour y
déloger quelques fruits, nous nous régalons de fraîcheur.
Je surprends des enfants jouant dans un ruisseau, lun prend peur
et me jette des pierres. Je dois avoir une drôle de tête
pour lui faire peur comme ça (?), je me prends en photo pour
vérifier ultérieurement. Au centre du village, nous trouvons
une fourgonnette pour parcourir les 20 derniers kilomètres qui
nous séparent encore de Karimabad.
Arrivé à Karimabad, après une dernière accolade,
nous nous quittons avec une réelle tristesse réciproque.
La fourgonnette me laisse tandis queux continuent jusquà
Gilgit et attraper un bus pour Skardu, très loin dici.
Jai comme un mauvais goût dans la bouche, une amertume qui
ne me quittera plus de la journée, cétait vraiment
extra les mecs, merci pour tout !
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Epilogue :
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Dans ces montagnes, laccueil des occidentaux est parfois
difficile mais il nest finalement quune réaction
naturelle imputable dabord à la vie autarcique des montagnards
en générale, mais particulièrement dans ces hautes
vallées très enclavées, depuis des temps immémoriaux
où encore récemment ces hommes qui ne se connaissaient
pas et se faisaient la guerre dune vallée à lautre.
En montagne, une vallée ne fait pas lautre et chacune des
vallées du Karakoram abrite une culture à part. Mais cette
réaction est aussi un automatisme dautoprotection face
à lagression du tourisme, pour ces hommes qui se sont brutalement
ouverts au monde moderne depuis la construction de la Karakoram Highway
en 1984, depuis seulement 16 ans ! Ce facteur aggravant aide à
comprendre leurs réactions parfois brutales envers les étrangers.
La souche du mot « étranger » nest-elle pas
formée du mot « étrange » ? Depuis toujours,
ce qui fait peur aux hommes cest « létrange
» et linconnu. Rien détonnant à ce que
les occidentaux soient parfois considérés comme tel et
inversement, que les occidentaux considèrent ces gens comme des
sauvages. Jai souvent vu dans ce pays lointain, des touristes
moqueurs ou arrogants, voir insolents, incapable de faire la moindre
concession dorgueil, provenant pourtant de pays pionniers du monde
dit « civilisé ». Pour que ces craintes sestompent,
le temps suffira-t-il?
Le voyageur itinérant se laisse souvent surprendre à
suivre une route qui nest pas du tout celle initialement prévue,
il se laisser bercer au grès des rencontres, des événements,
des aléas de parcours. A force dhabitude, il fait totalement
confiance à ce destin là qui mène souvent vers
des expériences extraordinaires. Pour illustrer ceci, la rencontre
de M. Mazaar et dHassan réunis à été
un coup de chance magistrale, je ne savais pas quils étaient
amis puisque mes négociations avec lun et lautre
étaient menées tout à fait parallèlement.
Dès cette rencontre, jai reporté la confiance que
javais en M. Mazaar sur Hassan, je ne pouvais plus me tromper.
Un autre coup de théâtre sest produit lorsque, après
cette randonnée glacière, jai ouvert la porte dun
petit restaurant à Karimabad : totalement par hasard, je suis
tombé nez à nez et M Reymat, mon guide qui mavait
accompagné il y à 3 ans sur le Batura glacier, lui était
à 200 kms de chez lui, moi à 8000 ! la rencontre à
été véritablement magique pour lui comme pour moi,
nous avons immédiatement décidés daller trekker
ensemble vers son village Shimshal, une autre très grande expérience
humaine ! En voyage itinérant, avoir confiance aux signes qui
jalonnent sa route et aller au grès deux est une conception
qui me plait car elle fait appel à lintuition plutôt
quà un planning rigide, frustrant et finalement ennuyeux,
elle ouvre au contraire la porte aux délicieuses surprises du
voyage.
Enfin, je terminerai sur cette réflexion dHerzog :
« Bloqué sur ma civière, je méditais sur
notre aventure qui allait prendre fin et sur notre victoire inespérée.
On parle toujours de lidéal comme un but vers lequel on
tend sans jamais latteindre. Pour chacun dentre nous, lAnnapurna
est un idéal réalisé. Pour nous la montagne à
toujours été un terrain daction naturel où,
à la frontière entre la vie et la mort, nous avons trouvé
la liberté que nous cherchions les yeux fermés qui nous
était aussi nécessaire que le pain. Les montagnes nous
ont fait don de leur beauté et nous les avons adorées
avec la simplicité des enfants, avec la vénération
dun moine pour son dieu. LAnnapurna vers lequel nous étions
allés les mains nues, est un trésor qui nous aidera à
vivre pour le restant de nos jours. Conscients de cela, nous tournons
la page : une nouvelle vie commence. Il y a dautres Annapurna
dans la vie des hommes. »
M. Herzog

Vivre 15 jours en harmonie avec Hassan le guide, Hassan bis, Mohammed,
Ali et Rasoul, au cur de leurs montagnes reste pour moi une expérience
humaine unique en intensité et en qualité, lidéal
inachevé dune communion accomplie avec les montagnes du
Pakistan et ses habitants.
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