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MASSIF
DU KARAKORUM
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La montée subite du glacier du Chiring en
1992 :
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Le glacier de Panmah, le sixième plus grand du
Karakorum, se trouve à environ 30 kilomètres à
l'ouest du K2. Son affluent principal, le glacier de Chiring a fait
lobjet dune observation suite à la brusque croissance
de ses glaces.
Ces observations scientifiques deviennent extrêmement
intéressantes quand elles sont confrontées aux observations
que les explorateurs anglais du Karakorum faisaient du glacier de Chiring
au 19ième, glacier quils connaissaient puisquil se
trouve sur la route du fameux col de Muztagh. Voici lextrait dun
rapport dobservation scientifique du centre de recherche des régions
polaires dOntario-Canada :
Les observations de la moitié du 19ième siècle
ont montré que le Chiring contribuait pour une large part au
flot de glaces du glacier de Panmah. Tout au long du 20ième siècle,
il a reculé denviron 1,5 Kms jusquen 1992 en se séparant
du Panmah. La montée récente des glaces du glacier de
Chiring a radicalement changé son aspect, sa longueur et sa contribution
en glace pour le Panmah. Au sommet du glacier du Chiring se trouve le
col historique de Mustagh (5800m), un itinéraire vers l'Asie
centrale emprunté depuis lantiquité. En 1887 un
explorateur britannique, Francis Younghusband, venant du côté
chinois, a trouvé le passage de ce col fermé. Empruntant
un autre itinéraire vers lOuest, il essaya de grimper sur
le glacier du Chiring mais l'a trouvé infranchissable en raison
« dimmenses séracs de glaces », ce qui laisse
penser que le glacier de Chiring a augmenté en taille pour la
dernière fois en 1885, ce qui correspondrait à un cycle
de croissance d'environ 110 ans.
(tiré dun article publié sur le site de lAGU,
du Cold Regions Research Centre, Wilfrid Laurier University, 75 University
Avenue West, Waterloo, Ontario, Canada :http://www.agu.org/eos_elec/97106e.html
).
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Ci-dessous la carte du glacier de Panmah au Karakorum
avec surligné le débordement du glacier de Chiring :
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Ci-dessous, l'image satellite du bassin de Sarpo Laggo
au Karakorum avec entres autres le glacier de Chiring :
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Les croissances rapides des glaces, vu par les
explorateurs du 19ième siècle :
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Le fait que le glacier de Chiring soit lui aussi sujet
à des soubresauts relance une vieille discussion au sujet du
rôle des fluctuations des glaciers du Karakorum. Le glacier de
Chiring a été emprunté depuis longtemps, notamment
par les explorateurs comme Godwin Austen en 1864, Younghusband en 1887
et 1896, Desio en 1929, Shipton en 1938. Les propos suivants sont tirés
du livre « Blank on the map » dans lequel Eric Shipton compare
les récits laissés par ses pairs à propos des glaciers
autour du col de Muztagh :
John Auden, le géologue de notre expédition, commente
la montée des glaces dans un article de la Royal Géographic
le 10 janvier 1938 : " Nous avons tous été impressionnés
par la diminution récente de l'épaisseur des glaciers
de Sarpo Laggo et du « crevassed glacier » près de
leurs langues terminales. Il est confirmé que ces glaciers sont
sujets à des changements périodiques de croissance, avérés
par certains témoignages, puisqu'à différents moments,
ils ont été soit faciles, soit difficiles d'accès.
Laffluent du glacier de Nobande Sobande qui contribue au grossissement
du flot des glaces du glacier de Panmah était inaccessible à
Younghusband en 1887, au delà de Skinmang. Il était en
revanche lisse et non crevassé en 1929 quand Desio skia jusqu'à
sa langue terminale. En 1937, la glace était fortement cassée
vers le haut."
En 1892, Conway, discutant du col de Nushik, un passage se trouvant
entre Skardu et le glacier dHispar, indique:
" Le passage nétait censé présenter
aucune difficulté extraordinaire, du cheptel aurait même
passé le col. Cependant, les indigènes admettent qu'ils
l'ont rarement emprunté, le cas échéant. Ils déclarent
que le chemin a disparu sous les glaces, et qu'il a cessé d'exister
en tant quitinéraire praticable." L'explication des
indigènes a été corroborée par Godwin-Austen
et plus tard par Major Cunningham. Ils ont trouvés au Nushik
Pass un passage fortement corniché par des séracs, menant
à une pente de neige difficile en dessous du col. Ils nont
pu grimper ni l'un ni l'autre le col. Bruce et Eckenstein, ont éprouvé
beaucoup de difficultés en passant ce col en 1892.
(Propos traduits du livre « Blank On The Map », «
The six mountain-travel Books » (Diadem Books Ltd édition
1985, p.189, Eric Shipton, 1939).
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La croissance des glaces et labandon des
itinéraires commerciaux :
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Carte de la shyok river
(Source : Alpine journal 1929)
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Dans son livre « Blank on the map », E. Shipton
sinterroge sur la croissance subite de certains glaciers et les
conséquences pour le passage des hommes par les hauts cols du
Karakorum. Shipton dont le projet est de rallier le Baltoro au Shaksgam
en passant par un hypothétique col se demande si le passage sera
aisé ou non. Il reprend un à un les commentaires faits
par ses confrères sur le changement de physionomie de tel ou
tel col ou glacier, et compare leurs points de vue sur le curieux phénomène
des croissances subites des glaces.
Avant de continuer mon récit, je voudrais discuter brièvement
des causes de l'abandon des itinéraires antiques à travers
les passages du haut Karakorum. Dans le passage cité du livre
de Francis Younghusband, il y a plusieurs allusions à cette question.
Il se réfère également à elles dans la lettre
qu'il a écrite à son père en 1887, décrivant
son passage au col de Mustagh : " Cest en montant vers le
col de Mustagh que les véritables difficultés ont commencé.
Mes guides ne reconnaissaient plus les lieux, barrés maintenant
par un immense glacier qui avait avancé, bloquant complètement
le haut de la vallée avec un mur de glace surmonté d'immenses
rochers".
La suggestion de Francis Younghusband est que l'augmentation de la taille
des glaciers est la raison principale de labandon des passages
dans le Yarkand. Cette théorie est conforme à la réalité
visuelle, indiquée bien des années avant, par Godwin-Austen,
qui a été le premier homme à effectuer un travail
scientifique détaillé dans la zone. Il écrit en
1864, " le passage de Mustagh était déjà fermé,
dû à la grande augmentation de la neige et de la glace
", et quun itinéraire alternatif avait été
trouvé (le nouveau passage de Mustagh). Il mentionne que dans
son temps, des poneys et les yaks ont fréquemment passé
le nouveau col en direction de Yarkand. Tandis qu'il campait sur le
glacier de Panmah en août de 1861, quatre hommes sont venus par
le passage de Yarkand. Ils étaient Baltis et avaient émigrés
au Turkestan quelques années avant. Ils avaient éprouvé
beaucoup de difficulté à passer le col. Godwin-Austen
écrit: « (
) La route à Yarkund au-dessus du
glacier de Baltoro, connue sous le nom de Mustakh, est devenue tout
à fait inutilisable. Les hommes de la vallée de Braldoh
ont été obligés de rechercher un autre itinéraire,
à la tête du glacier de Panmah au dessus du glacier de
Chiring. Le passage peut être franchi seulement à pied
alors quencore récemment, des poneys pouvaient passer.
Le passage à la tête du glacier de Hoh Loombah n'est maintenant
plus jamais employé, alors quil était couramment
employé dans le passé. Personne, cependant, de la génération
actuelle qui pourrait men parler ne l'avaient franchi. Certains
grands glaciers ont avancé, comme celui dArundu, duquel
les vieux hommes m'ont assuré que la langue terminale de glace
était de ½ miles éloigné du village. (
)
Laugmentation des glaces a eu lieu aussi au glacier de Panmah,
où durant les six dernières années, la vieille
route a été complètement couverte par la glace
et la moraine, et où Mahomed, mon guide, dit que le sol se trouve
maintenant un quart de mile sous la glace: les arbres et les buissons
ont été recouvert, et témoignent de l'avance récente
des glaces (
)" Dans le même récit, Godwin-Austen
mentionne cependant la diminution de la taille des glaciers principaux
du Karakorum. Cette anomalie apparente est soutenue par l'opinion géologique
actuelle, qui soutient qu'il y a des cycles dans l'augmentation et la
diminution de ces glaciers, pas nécessairement simultanés
pour les glaciers dune même zone.
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Pénitent sur le Biafo
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Le Colonel Schomberg décrit dans son livre « Unknown
Karakorum », son exploration dans la zone de Shimshal en 1934.
Il est d'accord avec la théorie que les itinéraires antiques
sont devenus inutilisables en raison dune glaciation accrue. Il
ajoute qu'à son avis, le changement est exceptionnel et récent.
Il écrit: " de ce que j'ai vu des glaciers de cette région,
et après avoir glané beaucoup dinformations sur
la question, je suis certain que la glaciation étendue du Karakorum
est récente et remonte à une centaine dannée.
Naguère, la glace nempêchait pas les indigènes
de passer les cols entre le Baltistan et les vallée de Hunza
et Nagir, et certainement dans plusieurs parties de la vallée
de Mustagh. Je pense, d'ailleurs, que le moment arrivera où ces
itinéraires seront réouverts, cela naura pas lieu
avant quelques décennies, si, naturellement, un soubresaut des
glaces na pas lieu entre temps. A en croire l'histoire passée,
la grande augmentation des glaciers est certainement exceptionnelle."
Mais bien que Younghusband, Schomberg, et tous les autres explorateurs
conviennent que les hauts cols sont devenus inutilisés par les
autochtones en raison dune glaciation accrue, il est probable,
à mon avis, que cette théorie soit incorrecte, et que
le blocage actuel des cols soit, dans la plupart des cas dû à
la désintégration des glaciers: pas à un accroissement
des glaces, mais à la rupture vers le haut de la glace, proche
des cols. Les pentes de glaces faciles qui amènent aux cols sont
devenues déchiquetées, raides et infranchissables suite
à la fonte progressive des glaces. Schomberg devrait se rappeler
que les rapports avec les indigènes sur lesquels les explorateurs
fondent leurs théories, sont ceux dobservateurs non formés
(
). L'état du glacier de Sarpo Laggo (qui sera décrit
plus tard dans mon récit), illustre cette théorie. C'est
sur les parties inférieures de ce glacier que l'affaiblissement
était le plus évident, et c'était cette condition
qui a occasionné tant de difficultés à Younghusband
en 1887 et à nous-mêmes cinquante ans après. Malgré
ceci je ne remets pas en cause le fait qu'il y a eu récemment
une croissance de certains glaciers, et les passages cités du
récit de Godwin Austen, lu à la Société
géographique royale en 1884, en fournit les preuves. Plus tard
dans le même récit, Godwin Austen écrit : "
quand nous avons longé le glacier de Kero Loombah, il y avait
des signes évidents qu'il était maintenant en croissance
à cause des herbages retournés et cassés."
En outre, nous avons trouvé nous-mêmes une augmentation
étonnante du glacier latéral qui a barré notre
route vers le bas du glacier de Mone Brangsa. Ce glacier avait été
rapporté par Desio, en 1929, pour être une langue de glace
insignifiante. En 1937, nous avons constaté que c'était
un obstacle formidable, avec tellement de données contradictoires
par rapport aux indications de Desio quil est extrêmement
difficile d'affirmer pourquoi.
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Glaces du Biafo
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Mais personnellement, je ne pense pas que la raison principale de la
fermeture des cols soit due à l'augmentation de la glace. Il
est sûr que ces passages à travers les montagnes du Karakorum
ont été naguères intensivement employés
par les voyageurs indigènes allant du Baltistan dans le bassin
de Yarkand. Ils sont maintenant complètement inutilisables pour
le transport indigène. Naturellement, la fermeture de ces cols
peut être due à d'autres causes que létat
de la neige et de la glace. Schomberg suggère qu'il n'y a plus
dincitation pour le commerce entre le Baltistan et la vallée
de Shimshal car les Shimshalis peuvent maintenant obtenir tout ce qu'ils
souhaitent dans la vallée de Hunza sans devoir passer des cols
difficiles et dangereux pour obtenir des marchandises, dû au développement
de la vallée de le Hunza durant ce dernier siècle. Ceci,
par contre n'expliquerait en rien larrêt du commerce entre
le Baltistan et le Turkestan à travers le col de Mustagh, ni
entre la vallée de la Hunza et le Baltistan en passant par le
col dHispar.
Une autre théorie est proposée par Godwin-Austen selon
laquelle les vieux itinéraires auraient été abandonnés
à cause de la fréquentation des voleurs. Il dit que l'ancien
itinéraire au-dessus du col dHispar a été
abandonné en raison du danger des voleurs. Un itinéraire
alternatif aurait été adopté, exempt de menaces
d'attaques par les bandits. Cet itinéraire doit vraisemblablement
se trouver vers le haut du « glacier des crevasses » (Crevassed
glacier) que nous avons exploré. Mais à mon avis il est
presque incroyable que cet itinéraire ait été utilisé
parce que sa longueur aurait été énorme et ses
difficultés considérables pour les marchands.
De toute manière, le fait que les antiques routes commerciales
soient fermées, quelles soient très difficilement
carrossables et quil est aisé de récolter des informations
sur leurs difficultés auprès des autochtones est tout
à fait exceptionnel. Il serait intéressant pour lhistoire
denvoyer une expédition dans ces pays pour tracer les restes
de vieux itinéraires, de localiser les ruines dhabitations,
et de déterminer l'histoire migratrice des personnes primitives
de ces zones montagneuses isolées.
(Propos traduits du livre « Blank On The Map », «
The six mountain-travel Books » (Diadem Books Ltd édition
1985, p.190-191, Eric Shipton, 1939).
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Les glaciologistes ébauchent une réponse
:
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Larticle suivant est tiré du site de lAGU,
qui provient lui-même du centre de recherche des régions
polaires (Ontario-Canada). Il propose des pistes de réflexions
sans toutefois affirmer avec certitude les causes du phénomène
particulier de croissance subite des glaciers, propre aux glaciers du
Karakorum :
« Les montées subites des glaciers du Karakorum soulèvent
des questions auxquelles les glaciologistes peinent à répondre.
Le processus de déclenchement des croissances des glaces inclue
probablement des variables thermiques, hydrologiques et de sédimentation
des glaces, qui agissent seules ou en combinaison. Mais, la répartition
géographique de ces croissances subites des glaces est fortement
inégale, il y en a de grands nombres sur très peu de régions
du globe, alors qu'aucune n'a été identifiée dans
la plupart des régions glacières. Ceci suggère
qu'il y a des combinaisons spéciales et variables des conditions
environnementales qui favorisent ou diminuent le processus localement.
Premièrement, ces glaciers se trouvent à des altitudes
comprise entre 3000 m et 7500 m au-dessus du niveau de la mer, altitudes
beaucoup plus hautes que les exemples plus intensivement étudiés
des chaînes des îles de Svalbard, ou de l'Inlandsis du Yukon
(Alaska). Ces glaciers se situent dans des latitudes subtropicales semblables
aux glaciers des Andes dArgentine et sont situées dans
une contrée au climat continental extrême comparable aux
glaciers voisins du Pamir. Cependant, il y a des chutes de neige lourdes
et avalancheuses pendant toute lannée mais à des
altitudes élevées, ce qui favorise des débits de
glace comparables à des conditions plus humides, à des
glaciers maritimes.
Les montées subites des glaces du Karakorum se produisent dans
une zone tectonique fortement active avec des taux de soulèvement
et de dénudation globalement extrêmes. Comme pour le glacier
de Chiring, les glaciers sont généralement entourés
par des falaises énormes et abruptes en haute altitude. Beaucoup
de glaciers du Karakorum, et tous ceux qui ont eu des croissances répertoriées,
sont principalement ou complètement alimentés par des
avalanches or il se pourrait que ces avalanches de neige plus ou moins
chargées en sédiments soient un facteur aggravant ; l'écoulement
de la chaleur géothermique pourrait aussi être un facteur.
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Front du glacier du Teram Shehr (région
Siachen)
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En attendant une explication, aucune croissance subite na été
enregistrée depuis 1 siècle sur plus de 30 glaciers plus
longs que le Chiring. Parmi les plus longs, le Siachen (75 kilomètres
de long), le Biafo (68 Kms), le Batura (60 Kms), le Chogo Lungma (47
Kms), et le Chiantar (35 Kms) ont montré des croissances et des
retraits normaux. Les glaciers non sujets aux croissances subites (non
répertoriées en tout cas) sont beaucoup plus longs et
d'une pente plus douce que ceux sujets aux croissances subites de leurs
glaces. »
(propos traduit de l'article publié sur le site de lAGU,
du Cold Regions Research Centre, Wilfrid Laurier University, 75 University
Avenue West, Waterloo, Ontario, Canada : http://www.agu.org/eos_elec/97106e.html
).
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Références :
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Cette page a été construite sur la base
des éléments suivants :
- Un article publié sur le site de The University of New Hampshire,
Institute for the Study of Earth, Oceans, and Space
Morse Hall, 39 College Road, Durham
http://www.ccrc.sr.unh.edu/~cpw/Searle93/searle.html
- Un article publié sur le site de lAGU, du Cold Regions
Research Centre, Wilfrid Laurier University, 75 University Avenue West,
Waterloo, Ontario, Canada :
http://www.agu.org/eos_elec/97106e.html
"Blank on the Map" " The six mountain-travel Books
" (Diadem Books Ltd - édition 1985) d'Eric Shipton (1939)
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