Géographie du Cachemire
MASSIF DU KARAKORAM
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Glaciers du Karakoram
Régions polaires
Régions non polaires
L’exception géologique et climatique du Karakoram
Les soubresauts des glaciers et leurs effets dévastateurs
Avance rapide du glacier de Pumari Chhish en 1985
Quant à ma propre expérience du glacier de Pumari Chhish
La montée subite du glacier du Chiring en 1992
Les croissances rapides des glaces, vues par les explorateurs du 19ième siècle
La croissance des glaces et l’abandon des itinéraires commerciaux
Les glaciologistes ébauchent une réponse
Références

 

 

Cartes de la région du Karakoram : Cartes US U502



La chaîne de montagne du Karakoram longue de 400 km est appelée « Khara-Khelem », ce qui signifie la « grande barrière » en Mongolie et « Tsagaan-Kherem qui signifie la « barrière blanche» en Chine. Un col, le Karakoram Pass qui signifie col des "Pierres Noires" en turque, permettait de franchir la ligne de partage des eaux entre l'océan indien et l'Asie centrale aux caravanes des routes de la soie d'autrefois et d'éviter le massif par l'Est, c’est le col qui a donné son nom à toute la chaîne : ce col est aujourd'hui à la frontière disputée entre la Chine et l’Inde (nord du Ladakh). Hormis la couleur de ses pierres noires, le Karakoram Pass eut longtemps une sombre réputation forgée dans les mythes comptés par les marchands qui empruntaient les hautes routes commerciales de la région.
Tout ce qui touche à ce massif est extrême et unique au monde : le Karakoram est sans nul doute la région montagneuse la plus élevée du globe (3800 mètres d’altitude moyenne, record mondial). Entourée et Isolée par les 6 plus hautes chaînes de montagne du monde que sont l’Himalaya, l’Hindu Kush, l’Hindu Raj, le Pamir, le Kun Lun et le Tien Shan, cette région est au cœur du plus puissant nœud orographique terrestre, l’une des plus sauvage au monde. Le massif accueille 4 des 14 sommets de plus de 8000 mètres (K2, Broad Peak, Gasherbrum I et Gasherbrum II), 10 des 30 plus hauts sommets du monde, plus d'une centaine de 7000 sur une longueur de seulement 400 km à vol d’oiseau. Ces chapelets de montagnes appelées « groupes » ou « muztagh » (« Muz » signifiant « glace », « Tag » montagne, signification analogue au Mont Blanc ou au Dhaulagiri) se tendent vers le ciel tandis que quelques-uns des plus longs glaciers du monde, les 8 plus longs si l’on écarte les régions polaires, érodent sans cesse la croûte terrestre. Ces glaciers fondent en été à une vitesse incroyable sous un soleil brûlant pouvant faire monter la température à 40°C, transformant les rivières d'aval en torrents impétueux qui transportent le plus fort volume de sédiments de toutes les rivières du monde. La puissance de ces impressionnants cours d'eau est telle que des blocs de rochers de la taille d'un immeuble se retournent et roulent dans leurs lits. Parcourir ce massif, c'est assister à la plus grande démonstration de géologie active que le monde puisse nous offrir.

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Carte cliquable générale
Carte
s
(72 ko)

Glaciers du Karakoram :

On dénombre à peu près 135 glaciers d’importance au sein du massif. Ci-dessous les principaux glaciers (dont sont exclus les glaciers émissaires de calottes glaciaires). Il est à noter que les glaciers du Karakoram concurrencent les glaciers polaires, très loin des régions polaires.

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Vue depuis le sommet du Nanga-Parbat vers l'Est, de gauche à droite (du Nord au Sud) :
le K2, Broad Peak, le groupe des Gasherbrums, le Masherbrum.


Vue depuis le sommet du gasherbrum II, vers le Nord-Ouest : de gauche à droite,
le Broad Peak (au centre gauche), l'arrète des Abruzzes du K2 en arrière plan
puis le Skyang Kangri. Très loin à l'horizon, l'Hindu Kush et le Pamir.

Régions polaires :

 

 

* Bagley icefield et Behring (Cordillère de la Côte, Alaska) 185 kms
* Seward et Malaspina (idem) 100 kms
* Logan (idem) 95 kms
* Hubbard (idem) 80 kms
* Muldrow (Cordillère de la Côte, Alaska)
* 72 kms, Monaco (Spitzberg) 48 kms,

Le glacier de Siachen, le plus long des glaciers hors des régions polaires

Régions non polaires :

 

* Fedtchenko (Pamir) 77 kms
* Siachen (Karakoram Est) 75 kms


* Baltoro (Karakoram Est) 66 kms

* Inyltchek (Tian-Chan) 65 kms
* Biafo (Karakoram Ouest) 60 kms
* Koilaf, Uppsala (Patagonie) 60 kms
* Hispar (Karakoram) 59 kms
* Batura (idem) 58 kms

* Tasman (Nlle-Zélande) 28 kms
* Aletsch (Alpes suisses) 24,7 kms
* Ngojumba (Népal) 22 kms
* Mer de Glace (France) 12 kms

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Le glacier de Godwin Austen cheminant au pied du K2 (photo prise le soir avec en bas l'ombre du K2, plus loin Concordia au fond le portique reconnaissable du Chogolisa -7665m-, au pied duquel se déroule l'Upper Baltoro à l'extrême Sud)

Le Karakoram renferme la plus grande concentration de glaciers du continent asiatique, avec 8 glaciers de plus de 50 kilomètres de longueur ; 20 de plus de 30 kilomètres, les glaciers de Batura, Biafo, Hispar, Panmah, Siachen, Saser, Chogo Lungma et Rimo dépassent tous 350 km2 de superficie, l’étendue totale des glaces qui excède 16 000 km2 constitue un stock énorme d'eau douce, richesse inestimable pour les régions situées en aval, caractérisées par leur aridité et enclines à la sécheresse. Les eaux de fonte glaciaires apportent une contribution importante aux fleuves de l'Indus au Sud, du Yarkand au Nord et conditionnent la vie d’environ 130 millions de personnes. En déclarant « l’Indus est la veine jugulaire du Pakistan », Jinnah soulignait un fait géographique, d’importance stratégique considérable et toujours d’actualité.

Ci dessous une illustration imagée du glacier de Biafo, de sa langue terminale jusqu'à la calotte de glace du Snow Lake :


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L’exception géologique et climatique du Karakoram :

La première étape de glaciation en Himalaya est datée du Pléistocène inférieur, et a débuté dans ce massif du fait de sa position septentrionale et de son altitude moyenne. Cette glaciation à été suivie par de très forts phénomènes d’érosion et de dénudation. Le retrait des glaces au pléistocène a laissé apparent la base des parois rocheuses des montagnes et a entraîné des masses énormes de sédiments dans les vallées et les bassins d’aval. L'orogénie récente de l'Himalaya représente la plus jeune étape de l'évolution de la ceinture d'Alpino-Himalayen qui a commencé dans le Paleozoïque supérieur (Pré quaternaire), puis l'Himalaya, le Karakoram et les autres chaînes de montagne annexes ont, pendant l'Holocène, atteint leurs tailles, leurs aspects morpho tectoniques et orographique actuels. La morphologie si caractéristique des montagnes du Karakoram a donc été formée par des processus morpho climatiques, dirigés par les changements globaux du climat pendant le quaternaire aussi bien que par son mouvement d’élévation exceptionnel.

L'Himalaya et le Karakoram n'ont pas encore atteint leurs équilibres isostatiques puisque l’élévation globale des plaques dépasse le travail de l’érosion et la dénudation pourtant exceptionnellement active.

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Les soubresauts des glaciers et ses effets dévastateurs :

Le glacier de Rimo (siachen)

Les glaciers du Karakoram sont soumis à des croissances ponctuelles difficilement expliquées par les glaciologues. En quelques années seulement, de tranquilles langues de glaces peuvent grossir et devenir des flots dévastateurs de glace et de roche. Déjà, les soubresauts des glaces étaient connus des pèlerins qui parcouraient la route de la soie, à l’Est du massif. Les trois glaciers dangereux de la vallée de Shyok, quand leur avance était rapide, bloquaient la vallée en amont, leurs noms même sont évocateurs des phénomènes cataclysmiques qu’ils provoquaient : le Chong Kumdan (signifie "le Grand Barrage"), le Kichik Kumdan (signifie "le Petit barrage"), les autochtones le rebaptiseront par la suite Thangman (qui signifie "Cicatrice"). Ces glaciers barraient la route aux pèlerins. Après une poussée de glace, le passage, d'abord hasardeux, devenait impossible; puis un lac se formait en arrière du barrage qui, dès que le glacier reculait, explosait sous l'énorme pression de l'eau accumulée. La crue, imprévisible était d’une violence inouïe : en juin 1835, elle détruisit tout sur 250km, jusqu'à Deskit et Tegur, à la confluence de la Nubra. Les caravanes n'avaient alors d'autre choix que de passer à gué et de traverser les hautes plaines désolées du Depsang.

Le glacier de Thangman (Kichik Kumdan) se déverse dans la vallée de Shyok brutalement et forme en son creux un barrage d'eau dangereux.


Les montées subites des glaces représentent toujours des risques sérieux pour les populations locales, engloutissant les terres cultivées, produisant des barrages d’eau et occasionnant des inondations soudaines, ou perturbant des communications locales. Le glacier de Batura au bas duquel passe la Karakoram Highway, lien vital pour les régions du Nord, est constamment surveillée.


Ces soubresauts inexpliqués sont toujours fréquents dans ces glaciers et ceci, malgré un recul générale et continue des glaces d’à peu près tous les glaciers du globe. Depuis un siècle, il y eu 26 soubresauts de glaciers comptabilisés dans le Karakoram, des avances rapides ont été rapportées impliquant au minimum 17 glaciers ; seules les chaînes du Yukon (Alaska) et les îles arctiques de Svalburd connaissent de telles expansions. Néanmoins, les montées subites des glaciers du Karakoram n’ont pas été toutes observées.



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Récemment, l’expansion du glacier de Pumari Chhish entre 1994 et 1996, affluent du glacier d’Hispar, et celle du glacier de Chiring, affluent principal du glacier de Panmah, en sont des preuves récentes et vivantes. Voici l’extrait de 2 rapports scientifiques, suivis des témoignages des plus grands explorateurs du 19ième siècle :

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Avance rapide du glacier de Pumari Chhish en 1985 :

Le glacier d’Hispar s’écoule au pied d’une ceinture de montagne dont l'altitude moyenne est la plus élevée d’Asie, ses mouvements d’élévation et d’érosion est le plus actif du monde. Le glacier de Pumari Chhish est d'approximativement 7 kilomètres de long et coule au sud de la chaîne principale. Il est l’un des affluents principaux du glacier d’Hispar qui est long de 62 kilomètres de long et débute sa course à l’ouest du col d’Hispar (5150 m) puis s'écoule par la suite dans la rivière Hunza. Ce glacier a subi une poussée spectaculaire de ses glaces dès 1985. Voici un extrait d’un rapport d’observation scientifique, édité par l’université des sciences de la terre du New Hampshire et traduit par le Webmaster de ce site :

"Le glacier de Pumari Chhish est alimenté principalement par les avalanches, qui proviennent des faces Nord de la montagne du même nom, le Pumari Chhish (7429m), du Khinyang Chhish (7854m) et des crêtes anonymes inférieures. Les avalanches déposent la neige, la glace et les débris dans un petit bassin en pente douce à 4600-4700m. Les 4km inférieurs du glacier de Pumari Chhish descendent graduellement de ce petit bassin d'accumulation à 4000m dans une cuvette d’au moins 500 m de large.

Glacier de Kani Basa, affluent de l'Hispar


L’explorateur Conway a traversé et a examiné les glaciers d’Hispar et de Pumari Chhish en 1892, il en a noté ceci : " il est remarquable que, tandis que le glacier de Lak se rétrécissait considérablement, le glacier de Chur (le glacier de Pumari Chhish), son voisin immédiat, s’est au contraire considérablement gonflé. Il déborde de ses moraines et verse une vague énorme de débris au-dessus sur la surface du glacier d’Hispar." Aucun des autres explorateurs tels que les Dr Kooncza et Caliati en 1908, les époux Bullocks en 1910 (leur carte montre une confluence adoucie), ni Eric Shipton (sa carte produite en 1939 montre à peu près la même confluence), n'a mentionné des difficultés pour traverser ce glacier. Aucune mention n'a été faite sur le glacier de Pumari Chhish dans des revues éditées par Mason (1930), Hewitt (1969), Mercer (1975) ou Mayewski et Jesclike (1979).

Montée pénible sur le glacier de Pumari chhish


Nos propres observations du glacier ont commencé le 19 août 1985 quand le glacier a été franchi pendant une reconnaissance du bassin d’Hispar, étude faisant partie d’un projet d'hydrologie. À ce moment-là, il était facile de traverser le glacier. Il y avait un chemin bien marqué sur ses deux moraines latérales et à travers le glacier, le chemin était employé par des bergers pour mener leurs yaks aux pâtures d’été, en amont du glacier d’Hispar. La surface du glacier montrait des ondulations douces et était couverte de débris. La surface des glaces était de plusieurs dizaines de mètres au dessous des moraines latérales. L'aspect du glacier avait peu changé la seconde fois quand nous étions en route pour le col d’ Hispar le 8 août 1987. Mais en 1988, la langue du glacier s'était épaissie d’au moins 20m. Il n'y avait aucun itinéraire évident à travers le glacier, des marches ont dû même être taillées dans la glace pour progresser.
D'autres observations ont été faites pendant juillet et août 1989, quand le camp de base scientifique a été établi à Bitanmal, à 3 kilomètres à l'ouest du glacier. La langue du glacier de Pumari Chhish s'était épaissie tellement nettement que la glace était de 16 à 22m au-dessus de la moraine latérale. Le glacier avait également avancé de 1 kilomètre, atteignant presque le milieu du glacier d’Hispar, large à cet endroit de 2 à 2,5 kms. Toute la longueur du glacier de Pumari Chhish était crevassée, à tel point qu’il était impossible de le traverser. (…). Les pâturages le long de la vallée d'ablation près du glacier d’Hispar, en amont du glacier de Pumari Chhish ont été découpés, et les yaks restent paître à Bitammal. Une brève reconnaissance vers le haut du glacier de Pumari Chhish n'a indiqué aucun dépôt de neige, de glace et/ou de roche qui aurait été indicatif d'une avalanche ou d'un éboulement important. (…) La nature du gonflement du glacier de Pumari Chhish décrite par Conway ressemble de façon saisissante à nos observations pendant l'été de 1989, ce qui suggère que le glacier ait connu au moins deux périodes de croissance rapides connues séparées approximativement d’un siècle."

Un article publié sur le site de The University of New Hampshire, Institute for the Study of Earth, Oceans, and Space Morse Hall, 39 College Road, Durham http://www.ccrc.sr.unh.edu/~cpw/Searle93/searle.html

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Quant à ma propre expérience du glacier de Pumari Chhish :

Moraines du glacier
du Pumari Chissh


Tombe d'un porteur tombé dans une crevasse du Pumari Chhish aux abords du glacier

En 2000, j’ai moi-même traversé le glacier de Pumari Chhish en redescendant le col d’Hispar. Il était effectivement très tourmenté comme je pouvais le constater dans mon carnet de voyage :
« Nous nous apprêtons à traverser à présent le glacier de Jutmo (ainsi appelé localement), affluent de l’Hispar qui descend tout droit du cirque formé au Nord par les montagnes du Kanjut Sar (7760m) à l’est, le Yutmar Sar (7330m) au Nord, le Khunyang chhish (7852m) à l’Ouest (…). La traversée du Jutmo qui ne fait que 2 kilomètres de large s’avérera être un énorme piège. Le glacier est très perturbé, c’est un labyrinthe formé d’une succession de ressauts infranchissables sans crampons entrecoupés de profondes crevasses, obligé donc de contourner tous ces obstacles en devinant le meilleur chemin avec beaucoup d’intuition. Chacun y va donc de son propre flair et nous nous perdons les uns les autres. C’est une véritable course d’orientation maintenant, Hassan le porteur est le meilleur à ce jeu là puisqu’il semble avoir trouvé la clé du problème avant nous; Hassan et moi-même sommes perdus, mais pas autant que Mohammed, déjà distancés d’au moins 500 mètres en aval du glacier ; Ali et Rasoul sont encore derrière et suivent de loin. Nous nous retrouverons sur le coté opposé du glacier après 2 heures de lutte ! Nous remontons la moraine et retrouvons un peu de verdure. Nous croisons la tombe d’un porteur, Hassan me dit qu’il est tombé dans une crevasse sur le glacier du Jutmo l’année dernière. Décidément, ce glacier fait froid dans le dos. »

Extrait de mon récit de trek Biafo-Hispar, étape de Bitammal.

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