LE CONFLIT DU CACHEMIRE
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Des erreurs géostratégiques à l’origine du conflit
3 angles de réflexion sur l’avenir du conflit
La nouvelle donne américaine
Les nouveaux enjeux énergétiques et ses conséquences pour le Cachemire
Vers une lutte de civilisation ou une réconciliation sous-continentale ?

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Carte politique du Cachemire
Carte géopolitique
du Cachemire

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Des erreurs géostratégiques à l’origine du conflit du Cachemire:

Les causes du conflit sont multiples, reportez-vous à la fin de cette page pour l’accès aux sites spécifiques et mieux documentés : ce site vous propose une réflexion sur la topographie particulière du Cachemire comme hypothèse d’origine du conflit du Cachemire.

Si la géographie est un savoir qui prend en compte aussi bien les hauteurs des montagnes, la longueur des fleuves, etc. que les données sociales et économiques, c’est qu’elle répond d’abord à un besoin fondamental, celui d’agir sur le terrain. La géographie recense ces informations dont la plus ou moins grande précision apporte à celui qui les détient un avantage décisif dans un conflit. Détenir les clés géographiques est la base de la géopolitique et de la géostratégie militaire. La sanction d’une méconnaissance géographique, c’est inévitablement la guerre. La topographie particulière du Cachemire, extrêmement montagneuse, a eu inévitablement des conséquences sur la problématique d’une partition déjà compliquée.

Lors de la partition, la principale donnée économique du Cachemire fut oubliée car il faut moins chercher dans les richesses du sous-sol que dans la richesse immense et inattendue que la montagne peut offrir : l’eau fut l’élément oublié de la partition. En déclarant que le Cachemire était « la veine jugulaire du Pakistan », Jinnah soulignait un fait géographique d’importance stratégique considérable. Dans ces régions, l’eau n’est pas « nécessaire » à la vie, elle est la vie même et cette expression prend tout son sens à cette latitude égale aux déserts du Baloutchistan, du Rajasthan et du Takla Makhan, où il pleut paraît-il moins que dans le Sahara. La partition de 1947 a privé le Pakistan des sources des rivières du Penjab (de la Jelhum, la Chenab, la Ravi, La Beas et le Sutlej, rivières qui donnèrent le nom à la province du Penjab), or ces 5 rivières qui prennent leur sources au Cachemire sont vitales pour l’économie du pays. Le bassin de l’Indus dans lequel vit la plupart de la population pakistanaise et se concentre toutes les richesses du pays est alimenté par les eaux du fleuve et de ses affluents. Cette richesse ajoutée à la formidable calotte glaciaire des régions du Nord, ne provient que d’une seule et même origine : les montagnes du Cachemire. Sans parler du caractère sacré de l’Indus, conquérir ces hautes terres permettraient au Pakistan de contrôler tout le cours de l’Indus dont la source se situe sur les terres annexées tibétaines de l’allié chinois.



Le problème géostratégique du Cachemire est dans son coeur : son large bassin fertil appelé aussi
"la Suisse de l'Inde " où habite 9/10ième de la population du Cachemire

La précipitation de la partition et la méconnaissance de la géographie du Nord Cachemire au moment de la partition au milieu du siècle dernier ont probablement joué une grande importance dans les conflits qui opposent l’Inde, la Chine et le Pakistan. Le 15 août 1947, date de la partition, la géographie de cette région n’était pas mieux connue qu’en 1937, quand Shipton écrit son livre « Blank on the Map », décrivant par ce titre le caractère désolé de ces régions arctiques oubliées des hommes. Le tracé des frontières entre l’Union indienne et le Pakistan lors de la partition fut décidé par une commission entre le 21 et le 31 juillet 1947 soit en 11 jours seulement. Ces 11 jours n’ont pas suffit à la commission pour décider des frontières du Cachemire dont la géographie était, dans bien des secteurs, toujours imprécise voire inconnue. La somme considérable d’informations rapportées par le Survey of India, les explorations successives de Godwin Austen, de Conway dans le Baltoro, de Shipton dans les régions de Panmah, Shaksgam et Biafo, des époux Bullock dans les régions d’Hispar et le Siachen ont été ignorées. La première du Cachemire est la probable conséquence de cette ignorance géographique.

En 1962, la région de l’Aksin Shin, lointaine et reculée, fut ravie à l’Inde pour les mêmes raisons. Cette négligence géostratégique indienne qui aboutira à la perte de ce territoire à première vue sans grande importance économique aura des conséquences très graves pour le conflit en général, sur la crédibilité des forces militaires indiennes, à l’origine de la seconde guerre indo pakistanaise et de l’accélération de la nucléarisation du conflit. Enfin, durant la crise de Kargil en 1999, l’Inde a eu beaucoup de mal à déloger les forces pakistanaises et cachemiries infiltrées, qu’une excellente connaissance du terrain et une bonne résistance à l’altitude avantageaient face pourtant à un impressionnant déploiement militaire indien. Ces quelques exemples démontrent à quel point la connaissance géographique est un enjeu guerrier primordial, qui a eu des conséquences certaines sur le conflit du Cachemire, particulièrement dans cette partie du monde où le terrain est très difficile.

Géographes au Cachemire

Les sciences géographiques partagent avec l’art de la guerre le souci de maîtriser le territoire d'où l'invention du mot géostratégie. Le lien évident entre la géographie et la guerre c’est la cartographie. Déjà, au 19ième siècle, le Raj britannique en vue d’affirmer davantage sa domination en Asie confia la cartographie du sous-continent indien et de ses frontières aux officiers britanniques qui parcouraient les régions reculées montagneuses du Nord. Ce furent des missions longues, difficiles et périlleuses. Sir Godwin Austen comme George Everest étaient officiers du Survey of India. Ils consacrèrent leur vie à dicter des pages de chiffres, parcourir des lieux froids et inhospitaliers, parfois déguisés en indigènes, à se laisser ronger par les maladies pour finalement apporter leur pierre à cette entreprise démesurée, l’établissement d’une carte détaillée du sous-continent. Partis du Sud de l’Inde en 1808, les officiers du Great Survey ont progressé à pas de fourmi. L’Everest (Peak XV) n’est identifié qu’en 1848, le K2 en 1856, après un demi siècle de travail !

G. Hayward, déguisé en commerçant Pathan

Au 19ième siècle, tout l’Himalaya abritait des royaumes « interdits » comme le Tibet, le Népal, le Bhoutan et le Sikkim au même titre que le Cachemire. On peut mesurer l’enclavement de ces contrées et la difficulté d’en percer les mystères en lisant « Voyage au Tibet » d’Alexandra David Neel ou bien encore « Annapurna, premier 8000 » où Herzog fut l’un des premiers occidentaux à ouvrir les portes de Katmandou, en 1950 seulement. Les hautes vallées reculées du Cachemire, soumises au climat plus septentrional que celui de l’Himalaya au Sud, fermées par les neige l’hiver, étaient séparées par des montagnes réellement infranchissables, abritaient des populations d’origines variées, vivant en autarcie et peu enclines au dialogue. Les mirs, les rois de ces hautes vallées se faisaient la guerre d’une vallée à l’autre. La tradition de brigandage assombrissait leur réputation et malheur aux voyageurs qui se rendaient dans ces hautes vallées. Karakoram signifiait « les montagnes noires », ce qui se rapporte moins à leurs couleurs qu’à la dangerosité de leurs chemins que les marchands de la route de la soie devaient obligatoirement emprunter. Ces mirs et chefs de tribus gardaient et protégeaient farouchement les informations géographiques qui avaient trait à leurs hautes vallées. Les géographes étaient alors assimilés à des espions. George Hayward, explorateur et géographe, paya au prix fort sa curiosité. Il fut assassiné en 1870 à Darkot par le mir Walli, celui-ci s’inquiétant de la divulgation de la cartographie de sa vallée. Ces mirs régnaient encore en maître sur leurs vallées en 1947 au moment de la partition, le pays était encore totalement enclavé. Ces difficultés ont largement entravé la bonne connaissance géographique de ces hautes terres et par conséquence le bon partitionnement du Cachemire en 1947.

Alexandra David Neel déguisée en pélerin tibétain

Il est toujours difficile de trouver des cartes précises de la région du Cachemire, elles sont détenues par les états majors des armées pour des raisons stratégiques évidents. C’est encore le cas dans tout le massif himalayen. Il est aussi curieux de constater que la cartographie peut être utilisée comme média de propagande, éminemment politique : il suffit de consulter plusieurs cartes du sous-continent indien pour y remarquer à quel point les frontières des trois pays au Cachemire sont mouvantes. Récemment, pour ménager les susceptibilités des 3 belligérants, la banque mondiale a « déconseillé » à son service cartographique de produire des cartes de la péninsule indienne qui montreraient trop précisément la région du Cachemire. Autre exemple, l’altitude du K2 officielle de 8611m fut contestée en 1976 par une expédition pakistanaise qui recalcula son altitude à 8760m. Une autre expédition en 1996, américaine cette fois-ci, recalcula son altitude avec l’aide d’un satellite à 8858m, c’est-à-dire plus haut que l’Everest ! Placer le plus haut sommet de la terre non pas au Népal (pays politiquement dominé par l’Inde) mais au Pakistan a des répercutions politiques évidentes (l’altitude du K2 fut recalculée plus tard par des Italiens à une altitude proche de celle d’origine). Récemment, l’Inde a ouvert à l'exploration les sommets puissants du Karakoram oriental de cette région, bien qu’ils lui soient âprement disputés. Les expéditions doivent obligatoirement comporter des membres de l’armée indienne. Conquérir les sommets, y apposer des altitudes fantaisistes, représenter des frontières politiques sans fondement, sont parfois des exercices qu’il faut savoir manipuler à des fins politiques. La guerre que se livrent les 3 belligérants au Cachemire passe aussi par cette manipulation, et laisse penser que le territoire est aussi en proie à la guerre psychologique.


La contestation ouverte pour le territoire du Siachen commença quand l'Inde s'inquiéta des permis d'ascensions délivrés aux alpinistes par les autorités Pakistanaises, dans la zone qui n'était pas clairement définie par les cartes encore dans les années 80. L'Inde y vit une volonté d'expansion et commença à entraîner ses troupes d'élites en antarctique dans les années 80 mettant ses hommes à l'épreuve de conditions extrêmes du froid (c'est toujours le cas puisqu'une part des prochaines manœuvres indiennes se dérouleront en partenariat avec les US en Alaska). Après l'invasion indienne du glacier de Siachen, le Pakistan parlera précisément " d'agression cartographique " de la part de l'Inde, mettant indirectement le doigt sur l'importance des lacunes cartographiques de ces régions reculées et ses conséquences sur un conflit qui n'en finit plus. Il s'agit maintenant, pour les belligérants, de défendre jusqu'au dernier arpents de glace, le territoire de la nation !

Chose extraordinaire, ni en 1947, ni en 1949, ni les gouvernants, ni les officiers supérieurs qui ont dessiné et cosigné le tracé la ligne de contrôle sur les cartes topographiques n'ont jugé utile de la poursuivre jusqu'à la frontière chinoise. Avaient-ils la connaissance géographique de ces régions reculées pour pouvoir décider d'un quelconque tracé de frontière ? Probablement pas. Le texte d'accord mentionne simplement qu'après le point NJ9842, la ligne "remonte au nord vers les glaciers ". Cette grande imprécision laissera le champ ouvert aux contestations quand les deux pays voudront s'approprier, 35 ans plus tard, le glacier du Siachen en 1984.

La guerre du Siachen a commencé précisément là où s'arrêtent les cartes géographiques, au Nord du point NJ9842. L'Inde revendique sa frontière le long des hautes crêtes des monts Saltoro jusqu'au sommet du Gasherbrum (8068m), en passant par les cols stratégiques de Bilafond et de Sia. Le glacier de Siachen serai donc indien pour Delhi, prétextant l'argument hydrographique : La rivière Nubra qui coule en aval du glacier du Siachen et qui arrose les terres du Ladakh indien doit leur revenir jusqu'à sa source. Le Pakistan en revanche revendique la frontière établie par les accords de 1949 c'est à dire, celle qui coupe le glacier de Siachen en 2, l'amont lui revenant de droit.

Aujourd’hui, les nouvelles techniques d’observation militaires (notamment d’observation satellite, les techniques d’observation sans pilote, drones) et le renforcement des moyens de communication, améliorent la surveillance de la ligne de contrôle et stabilisent les forces en jeu. Des invasions similaires à celle de 1962, voire à celle de 1999 ne seraient plus possibles, d’autant que ces régions extrêmement montagneuses ne permettront jamais de percées rapides et significatives. Elle permet l’infiltration de petits groupes d’hommes armés dont l’activité terroriste au Cachemire est toujours actuellement plus significative avant ou après l’hiver, lorsque les hauts cols sont accessibles après la fonte des neiges.

La méconnaissance géographique de cette région montagneuse qu’est le Cachemire fut probablement l’une des nombreuses causes du conflit. L’enclavement et la topographie très montagneuse de cette partie du monde en éviteront peut-être au final une dérive. Aujourd’hui, dans un contexte qui demeure conflictuel, les informations géographiques qui se rapportent au Cachemire sont gardées secret défense. Certains territoires comme le glacier de Siachen, le massif du Kailash ou l’Aksin Chin restent très difficiles d’accès, isolés par les champs de mines et la ligne de contrôle infranchissable. Ils sont plus accessibles à une exploration satellite qu’à une exploration humaine. C’est toujours « blanc sur la carte » au Cachemire.

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3 angles de réflexion sur l’avenir du conflit du Cachemire :

Bien savant celui qui pourra prédire l’avenir d’un conflit resté bloqué un demi siècle durant. Pourtant, les évènements internationaux récents ne peuvent être sans conséquence sur le conflit cachemiri et donnent quelques pistes de réflexion sur le devenir du conflit. Ci-joint quelques hypothèses sur :

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La nouvelle donne américaine :

P. Moucharraf et G.W. Bush

Bien savant celui qui pourra prédire l’avenir d’un conflit, d'un embroglio géostratégique resté bloqué un demi siècle durant. Pourtant, les évènements internationaux récents ne peuvent être sans conséquence sur le conflit cachemiri et donnent quelques pistes de réflexion sur le devenir du conflit. Ci-joint quelques hypothèses sur la nouvelle donne américaine :


Le 11 septembre 2001 est une date fatidique pour la géostratégie du Moyen Orient et par ricochet, pour le conflit du Cachemire. L’Afghanistan occupé par les troupes de la coalition, les Etats-Unis renforcent leur entente avec le Pakistan qui perdurait depuis l’invasion soviétique en Afghanistan. Face aux pressions américaines, le Pakistan a fait le choix difficile de trahir les anciens alliés taliban et d’aider les Etats-Unis à combattre le terrorisme. Le renforcement de l’influence diplomatique américaine au Moyen Orient et particulièrement au Pakistan change la donne. Les fondements de la légitimité politique du Pakistan, dont l’idée fondatrice fut autrefois la défense du monde musulman contre le communisme, sur la construction d’un socle musulman face à l’hégémonie indienne en Asie (dans le but d’une possible retraite vers l’Est en cas d’attaque indienne), la diabolisation du voisin indien et la conquête du Cachemire, s’en trouvent bouleversés. L’armée pakistanaise opère un changement radical de comportement en renonçant à sa politique de soutien aux mouvements djihad afghans et fait le choix courageux mais périlleux de lutter contre le terrorisme aux cotés des pays de la coalition. La cause du djihad perdue, le Pakistan pourrait être tenté de reconquérir le soutien des militants islamistes en soutenant leurs actions terroristes au Cachemire car l’enjeu pour le président Mousharraf est énorme : le risque est de perdre le contrôle des mouvements séparatistes cachemiris, voire de perdre le soutien de la population pakistanaise si la cause du Cachemire, ciment de l’unité nationale, passait aux oubliettes. Il resterait quelques 3000 militants séparatistes cachemiris armés en territoire indien. Privés de soutien logistique, les plus déterminés pourraient être tentés en dernier recours, par des opérations suicides et accroître les attentats contre les intérêts indiens au Cachemire ou directement contre le président Pervèz Musharraf lui-même comme cela s’est passé début 2004.

Par ailleurs, le Pakistan ne peut se passer des Etats-Unis, premier bailleur de fonds d’un Etat en quasi faillite économique. Suite au soutien à la coalition anti-terroriste, le président Pervès Mousharraf a obtenu la levée de toutes les sanctions économiques américaines (qui pesaient sur l’économie du pays depuis les années 90 en raison du soutien à la politique sectaire des taliban afghans et en raison de sa politique nucléaire). Face au renouveau diplomatique avec les Etats-Unis et grâce aux pressions économiques, le Pakistan devrait renoncer au soutien des mouvements séparatistes cachemiris au nom de la lutte contre le terrorisme international. Quoiqu’il en soit, la position de Pervès Mousharraf n’a jamais été aussi délicate.

La guerre des Etats-Unis contre le terrorisme est une aubaine pour l’Inde qui depuis longtemps pointe du doigt le Pakistan comme principale adjuvant des terroristes indépendantistes cachemiris. Par ce biais, la classe dirigeante indienne tenterait elle aussi de sceller une alliance stratégique avec les Etats-Unis, tout en doutant ouvertement de la bonne volonté du Pakistan à faire cesser le terrorisme au Cachemire (cf. la déclaration du premier ministre indien Atal Behari Vajpayee : «Le Pakistan ne peut pas lutter contre le terrorisme en Afghanistan et l’encourager au Cachemire »). De plus, les relations indo-américaines se sont renforcées pour faire contrepoids à la Chine dont on connaît l’émancipation économique, menaçante pour les intérêts indiens.

Coté chinois, le 11 septembre a apaisé les relations conflictuelles avec son ennemi indien. En effet, l’Inde et la Chine partagent depuis longtemps la même crainte de l’extrémisme musulman, au Cachemire pour l’Inde, au XianYang pour la Chine, craintes que le 11 septembre a ravivées. Cette récente embellie diplomatique entre l’Inde et la Chine ne fait pas les affaires du Pakistan pour qui la Chine représente le premier allié de la cause pakistanaise au Cachemire. De plus, la Chine semble avoir pris son parti de la réalité de la puissance indienne en Asie et semble avoir pris ses distances avec le Pakistan depuis la fin de la guerre froide et surtout depuis le renouveau des relations américano pakistanaises. Le Pakistan se retrouve désormais mis au ban par l’Inde, par l’Afghanistan et, dans une moindre mesure, par la Chine.

En avril 2003, les relations politiques entre l’Inde et le Pakistan restent rigides malgré une main tendue du premier ministre Behari Vajpayee au Pakistan mais ces 2 pays courtisent paradoxalement le même allié, les Etats-Unis. Les nouvelles relations diplomatiques américaines avec les deux belligérants posent les Etats-Unis en nouveau médiateur du conflit cachemiri et pourraient permettre de porter le débat au niveau international, ce à quoi l’Inde se refuse depuis 1971. L’issue du conflit du cachemire semble de plus en plus dépendre de la position diplomatique américaine comme dans bien d’autres régions du monde.

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Les nouveaux enjeux énergétiques et ses conséquences pour le Cachemire :

De tous temps, l'énergie est une ressource hautement stratégique qui au cours de l'histoire, à su distribuer les conflits au grés de sa répartition géographique, c'est aussi vrai pour le Cachemire. Déjà après l’échec russe en Afghanistan dans les années 80, la fin de la guerre froide et l’indépendance retrouvées des républiques d’Asie centrale, les USA jugeront fréquentable le mouvement taliban en Afghanistan, garant selon de la stabilité politique nécessaire à la construction du gazoduc entre le Turkménistan, le Pakistan et l’Asie du sud (par l’intermédiaire de la compagnie UNOCAL). C’est à cette époque que le Cachemire a commencé à ressentir le contre coup de la politique de talibanisation des territoires afghans, une politique soutenue on le sait par le Pakistan et indirectement par les Etats Unis.

Mais c’est l’éveil de la Chine et sa gourmandise en énergie qui pèsera probablement sur le conflit du Cachemire. Coté chinois, les enjeux énergétiques sont dores et déjà énormes. En 2012, la Chine aura doublé sa consommation de pétrole. En 2030, elle sera probablement la première puissance économique du monde (devant les Etats Unis) et le premier ou deuxième consommateur mondial de pétrole brut alors que les 2/3 des réserves mondiales se trouvent dans la péninsule arabique (d’où l’actuel intérêt des USA pour les gisements d’Irak, l’avenir économique des américains se construit aujourd’hui).

C’est dans la province chinoise du Xinjiang (qui veut dire « nouvelle frontière » en chinois) que les nouveaux gisements d’énergie fossile s’avèrent être les plus prometteurs en Chine : les gisements pétrolifères d’une part (découvertes dans le bassin du Tarim à Dushanzi, Karamaï, Korla et Urumtsi) et les réserves de charbon d’autres part (mines du Takla-Makan). La croissance de la Chine va provoquer une tension inédite sur le marché mondial de l’énergie fossile, pour le pétrole mais aussi pour le charbon qui couvre pour l’instant les 2/3 des besoins en énergie de la Chine. Ainsi, le développement de la Chine risque fort de transformer la province du Xinjiang en nouveau Far West.

Face à ces nouveau enjeux énergétiques mondiaux, la Chine très consommatrice devra d’ici une dizaine d’année diversifier mais surtout sécuriser ses sources d’approvisionnement en énergie : Vu la difficulté qu’ont les Etats Unis à pacifier les futurs régions productrices de pétrole (Irak, Asie centrale, l’Arabie Saoudite étant épargnée mais pour combien de temps ?), les zones sécurisées de production et de distribution de pétrole et de houille du Xinjiang représenteront sûrement une alternative intéressante dans un très proche avenir.

L’enjeu du gaz naturel est différent. La Chine détient 5% des réserves mondiales en gaz, la Russie au moins un tiers, et certainement plus avec les nouvelles réserves découvertes en Sibérie. Moscou négocie donc sont gaz avec Pékin. Si les accords sont signés, 2 gazoducs approvisionneront la Chine par le Nord Est, à partir d’Irkoutsk et de Komsomlosk. Futurs partenaires économiques, la Chine et la Russie voudrons aussi faire contrepoids aux intérêts américains en Asie centrale, ce qui risque bien d’être un vecteur de réconciliation entre les deux pays dans les années futures. Le rapprochement d’intérêts économiques communs entre la Chine et la Russie, voire d’une future entente cordiale, ne seront pas non plus sans conséquences sur la géopolitique de l’Asie centrale et le conflit du Cachemire.

L’importance stratégique de la province du Xinjiang devient donc de plus en plus importante pour la Chine et pour le monde. Pour y accroître son contrôle, la Chine encourage une immigration massive (tout comme au Tibet) vers ce territoire désertique au détriment d’une population autochtone, les Ouïgours muselés face aux Hans désormais majoritaires. Ainsi, la Chine assure son avenir en défendant ses intérêts économiques et en contrôlant efficacement les masses. Quelles seront les réponses indiennes au nouveau poids politique de la Chine en Asie ?

Dans ces conditions, on comprend mieux l’aspect géostratégique vital que représente les petits 37500 km2 du plateau désolé d’Aksai Chin, des plateaux de Soda et Lingzi Chin sur lesquels est construite la route qui relie Lhassa à Kashgar, sensible et vital pour relier les provinces administratives de l’ouest chinois au lointain et précieux Xinjiang On voit donc mal comment la Chine pourrait engager d’éventuelles négociations avec l’Inde à propos de ce territoire, ce qu’elle s’est toujours refusée à faire d’ailleurs. On peut aussi se demander si l’éveil de la Chine s’accompagnera d’un processus démocratique, dans ce pays dictatorial connu pour son intransigeance sur la question des limites de son énorme territoire.

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Vers une lutte de civilisation ou une réconciliation sous-continentale ?

Rawalpindi

Pour tenter de prédire dans quel monde nous sommes entrés après la disparition de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide, le professeur américain Samuel Huntington, dans un article publié en 1993, affirmait : «Mon hypothèse est que dans ce nouveau monde, les conflits n’auront pas essentiellement pour origine l’idéologie ou l’économie. Les grandes causes de division de l’humanité et les principales sources de conflits seront culturelles. Les Etats nations continueront à jouer le premier rôle dans les affaires internationales, mais les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes appartenant à des civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique mondiale. Les lignes de fractures entre civilisations seront les lignes de front de l’avenir ». Ainsi, le Cachemire étant à la croisée des chemins des civilisations indiennes, orientales, occidentales et chinoises, le conflit ne manquerait pas d’avenir. La république islamique du Pakistan et son fondamentalisme religieux, gardien de sa stabilité politique, s’oppose naturellement à la laïcité indienne, à son attachement au multiculturalisme, ciment de son union. Le conflit du Cachemire n’est donc pas seulement un conflit territorial mais est aussi un conflit éthico politique entre un monde musulman emprunt d’un certain archaïsme, face aux voies qu’a choisies l’Inde, première démocratie du monde dont les valeurs pleinement reconnues par l’Occident nimbent ses échanges économiques, politiques et culturels résolument tournés vers l’avenir et le progrès. Nul doute que le conflit du Cachemire est de plus en plus un boulet pour l’Inde dont le rayonnement économique et le modèle démocratique est appelé à croître dans le monde, ce qui laisse des perspectives de règlement du conflit.

Article du Indian Express daté du 30 août 2005

 

 

De plus, la mésentente entre le Pakistan et l’Inde s’enracine dans un malentendu de départ. Avant la partition, le Pakistan était un concept, le rêve d’Ali Jhinna qui eut l’intuition que les musulmans du sous-continent méritaient une patrie pour eux seuls. La lutte d’indépendance anti-britannique fut animée par cette volonté de créer 2 entités, théorie basée sur la seule différence religieuse. Mais les racines de l’Inde et du Pakistan se confondent dans une similarité sub-continentale. Le Pakistan est, tout comme l’Inde, issue du regroupement d’ethnies d’origines très diverses dont le seul lien politique et spirituel est la religion musulmane. Lorsque le Président Pervèz Musharraf a soutenu l’écrasement des taliban par la coalition, les

Rawalpindi

manifestations pour le soutien des taliban ont été étonnement peu énergiques. La population pakistanaise, déçue par l’extrémisme des taliban, semblerait finalement peu encline à défendre le sectarisme musulman. L’invasion de l’Afghanistan par la coalition qui a mis en échec 23 ans de politique pro afghane, le rapprochement de l’Inde et de la Chine, les faiblesses économiques du Pakistan face à l’Inde, isolent toujours un peu plus le Pakistan, dont le seul salut est de renforcer davantage son partenariat avec l’Amérique.

Le Pakistan est un territoire charnière qui, après s’être tourné vers l’Est et ses frères musulmans, n’aura peut-être pas d’autres choix que de saisir la main tendue de l’Inde qui n’a toujours pas accepté « la théorie des 2 nations » depuis la partition en 1947. La sortie du conflit repose peut-être sur la reconnaissance de l’identité commune de ces 2 frères ennemis que le jeu des alliances stratégiques peut séparer pour toujours.

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Liens Web :

Le présent site n’a pas la prétention de faire l’analyse précise d’une situation au Cachemire pour le moins complexe, il est en revanche un tremplin vers des sites dédiés à ce sujet. Les sites traitant du Cachemire sont nombreux, les sites sélectionnés ci-après sont tous de qualité exceptionnelle :

http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude84.pdf : La grande illusion, bilan de la politique afghane au Pakistan.
http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude83.pdf : Les relations internationnales de l’Inde à l’épreuve de la relation indo-pakistanaise (février 2002).
http://www.ceri-sciencespo.com/archive/mai03/artcjjz.pdf : La question du Cachemire après le 11 septembre et la nouvelle donne au Jammu et cachemire (10 juin 2003).
http://www.ceri-sciencespo.com/archive/july02/artjzb.pdf : Variation thématique (mêmes auteurs).
http://www.iss-eu.org/occasion/occ43.pdf : Même thème et mêmes auteurs sur le site de l'Institut d'Etude de Sécurité (IES).
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/inde-pakistan/index.shtml : Un lien interressant de la Documentation Française sur le cachemire dans un site interressant.
http://cemoti.revues.org/index.html : L'association Cahiers d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le Monde Turco-Iranien (CEMOTI) propose une source généreuse d'informations sur la géopolitique des régions jouxtant le Pakistan. Ce site est relié comme beaucoup d'autres à un réseau dense de revues en ligne dont voici le site fédérateur :
http://www.revues.org : Ce site est un portail sur la pensée politique, les philosophies, les sciences humaines et sociales, etc. La charte de ce site propose à ses revues adhérentes la mise en ligne de l'intégralité de leurs articles déjà parus, ceci forme donc une banque de données unique à disposition des chercheurs, des enseignants, des étudiants et des quidams. Un moyen de recherche est proposé pour s'y retrouver parmi les très nombreux textes francophones, anglophones voir hispanophones. C'est un accès facile et à ma connaissance unique à la connaissance scientifique.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/inde-pakistan/index.shtml : Une belle page sur le cachemire de la Documentation Française.

Lectures, sources et références :

« Dossiers et documents », Le Monde, n° 325, novembre 2003
Le Grand guide du Pakistan, Gallimard, 1991
« Dossier spécial Pakistan », Vertical, 1989
Ignacio Ramonet, Géopolitique du Chaos, Galilée, 1997
« La science et la guerre, 400 ans d’histoire partagée », La Recherche, hors série n°7, avril-juin 2002
Chine, Lonely Planet, 2nde édition,
Revue de géographie et de géopolitique Hérodote titré "Géopolitique en montagne", N°107 4ième trimestre 2002
"Cachemire, le paradis perdu", Claude Arpi, éditions Philippe Picquier

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Ecouter :


Ecouter les 2 émissions de France Inter sur le conflit du Cachemire

Monsieur X revient aux sources de cette guerre par procuration qui peut dégénérer à tous moments. Et où l’on retrouve l’ombre de Ben Laden et des services secrets :
Samedi 28 janvier 2006
Samedi 04 février 2006

A lire avec Real Player :

 


A voir aussi sur le même thème :
Exploration du Cachemire
Himalayisme/alpinisme au Cachemire
Statistiques historiques Index historiques

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