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LES PETROGLYPHES DU NORD CACHEMIRE

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Un peu de Géologie
Au Zanskar, quelques roches parmi d’autres

L'autel de PIPPULLA (3800 m)
Le site de CHAR (3800m)
CHAR : Un patrimoine unique et fragile

Vallée de l’Indus
Au Ladakh les emplacements gravés ne manquent pas
Une ouverture exceptionnelle sur le monde des graveurs de l'Age du Bronze et Age du Fer dans la vaste Asie

Contexte préhistorique
L'avifaune
Les herbibores
Les carnivores
Les bovidés
Les équidés
Les personnages
Les attributs

Datation
Implantation des sites
Quelques précisions

Règles élémentaires pour sauvegarder ce patrimoine inestimable

Bibliographie

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Christian Chabert nous livre ici un témoignage passionnant et passionné sur ses recherches de pétroglyphes dans le Zanskar. Hé oui, une fois n'est pas coutume, nous partons au Ladakh Zanskar qui lui aussi fait partie du Nord Cachemire. Merci à Christian de nous faire partager sa passion pour les pétroglyphes.

Là où j'ai trouvé " des Animaux et des Hommes qui dansent sur les Pierres ", c'est tout en haut de la carte, coincé entre le Pakistan et le Tibet, il est un morceau de l'immense chaîne de l'Himalaya qui fait rêver les voyageurs, fantasmer érudits et photographes, le Ladakh Zanskar.
Le " pays des Hauts cols ", est soumis à un climat rigoureux. Ces plus basses vallées sont à plus de 2500m et certains sommets dépassent les 7000m. Une région difficile, abritée de la mousson par une chaîne principale de hautes montagnes où la vie dépend de l'eau des glaciers. Les habitants la gèrent inlassablement, au milieu de massifs tourmentés, dans des vallées d'accès malaisés, ces dernières devenant totalement inaccessibles lors des hivers qui durent plus de six mois.
Un des contrastes de cette région est de parler d'isolement, d'univers fermé. Or d'une part les habitants qu'ils soient moines ou civils adorent voyager : Pour le plaisir, pour un pèlerinage, une fête, où par nécessité pour échanger laine pashmina, sel, beurre de yack. D'autre part, le long des cours d'eau , par les hauts cols du Karakorum ou de l'Himalaya, les hommes, les caravanes n'ont pas cessés de transiter, apportant idées et produits, se croisant, pratiquant échanges et ventes.
Il ne doit pas nous échapper aussi que c'est l'histoire " récente à très récente " qui a vu la création de frontières puis leurs fermetures. (Ainsi en 1948 suite à l'invasion du Bas Ladakh par le Pakistan puis en 1962 par la Chine qui s'est appropriée de vastes étendues comme l'Askai-Chin).

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Un peu de Géologie

Il y a un peu moins de 220 millions d'années, la plaque " Inde Australie" s'est détachée du mega continent, le Gondwana. Elle entame une dérive d'environ 90 millions d'années à une vitesse incroyable de 20 cm par an (les dérives sont en général de 5 cm). La plaque "Australie " se détache. La plaque " Inde " libérée, glisse désormais plein Nord, entre deux failles. Cette migration va se couronner 65 millions d'années plus tard par un choc brutal avec la plaque " Eurasie ". Les plaques se déforment, des plis s'ordonnent et la plaque " Inde " se glisse plus ou moins bien sous la plaque " Eurasie ". Plus exactement elle s'y soude créant en première ligne une énorme chaîne : le Grand Himalaya. Plus loin, d'autres plissements créent d’autres puissants massifs comme le Karakorum qui culmine à plus de 8000 m ou l'ensemble du Pamir. D'autres " actions " géologiques (dépôts sédimentaires, volcanismes, érosions etc.) viendront compléter les reliefs.
Sur plus de 3000 km, les résultats de la collision ont " organisé " les montagnes et les dépressions en des alignements qui sont " grossièrement " orientés du sud-est au nord ouest.
L'Himalaya, une barrière infranchissable ? Il faut toujours avoir présent à l'esprit les contraintes mais aussi les facilités crées par la géologie. A l'apparente suite de grands " obstacles " il faut regarder les " faiblesses " qu’ils s’agissent de cols où de grands " couloirs " que suivent les cours d'eau. Ceux-ci empruntent les dépressions naturelles, profitent de " cassures " pour se faufiler entre les massifs, effectuent des virages à 90° pour pouvoir rejoindre une autre rivière puis un fleuve. Un exemple : Le fleuve Indus et son bassin d'alimentation que complète la Hunza.

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Au Zanskar, quelques roches parmi d’autres

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L'autel de PIPPULLA (3800m) :

Après la traversée d'un torrent, une petite plateforme alluviale au dessus de la Tsarap est parsemée de blocs dont une dizaine sont gravés. L'un d'entre eux est magnifiquement orné et organisé. Il est bien orienté est/ouest. Ce qui en fait l'originalité c'est que c'est la seule roche de tous mes séjours où j'ai relevé des personnages, en position d'orants (les deux bras tendus vers le haut, on devine presque les mains ouvertes, paumes en avant). Sur cette roche, les sujets ne sont pas simplement suggérés, mais au contraire ils semblent " danser " autour des animaux. Comme il n'y a pas de scènes de chasse évidente, elle m'a tout suite évoqué " un autel " de prières ? A gauche, ce qui pourrait être un couple, virevolte (ou peut être symboliquement s'affronte ?).

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Le site de CHAR (3850m)

C'est un des sites les plus riches en pétroglyphes du Zanskar et qui a fait l'objet de premiers relevés, photographies, études par KLODZINSKI (1). A noter qu'il est situé à environ 1 km et demi avant le confluent avec la Kargiak Chu, sur la rive gauche de la Tsarap Zamthang. Il est traversé par la piste principale de la vallée. On devine au bout des dalles polies par les glaciers, les restes d'un très vieux pont qui menait en face, à la terrasse agricole du hameau de Char. Sur ces dalles qui ont un air de " Vallée des " Merveilles " et sur l'autre zone, plate bordée de gros blocs d'éboulements très anciens, on y découvre des scènes de chasse qui comportent des archers à cheval ou à pied. C'est aussi tout un bestiaire qui s'anime sous nos yeux : léopards des neiges, loups ou chiens, bouquetins, bharals ou urials mais aussi des oiseaux et des yaks. Un des gros blocs a été regravé ultérieurement avec des motifs bouddhistes (chortens).
D'autres sites (Hameling, Jal, Tangse…) précédent ou suivent les grands cols de cette région.


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CHAR : Un patrimoine unique et fragile

En 2006, Char était devenu une carrière de pierre !

Prés de la maison, dans le " jardin " de beaux blocs ont malheureusement été récemment utilisés comme carrière. D'autres gravures, le long du chemin, commencent à subir des dommages récents (touristes et/ou locaux). Beaucoup plus grave est la menace de destruction par méconnaissance d'un endroit unique et exceptionnel. Les habitants de Char " marchent " sur les gravures car c'est un raccourci, pire ils cassent et utilisent les pierres ! Ils ne réalisent pas l'intérêt d'une mise en valeur, d'un classement et d'une protection de l'ensemble du site. Plat, le pâturage proche est propice au campement " naturel " des trekkeurs. Plus grave, cet ensemble est malheureusement placé sur le tracé de la future piste "routière " que veut réaliser, que réalisera (dans cinq ans ? Dix ans ?) L’état Indien.

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Vallée de l’Indus

Les rives de ce fleuve légendaire (qui parcourt prés de 2500km à travers le Pakistan) ont été utilisées, très tôt, comme axe naturel et principal de communication. Il a déjà parcouru plus de 500 km, depuis sa source à l'Est sur les hauts plateaux du " Grand Tibet " lorsqu'il s'écoule, plein Ouest entre les massifs du Zanskar et du Ladakh. Ce dernier massif est encore plus sec (90 mm d'eau par an) et plus minéral que son vis-à-vis. L'habitat s'est donc établi naturellement le long des torrents venus des crêtes et sur de vastes cônes de déjection des rivières qui se jettent dans l'Indus. Les zones de vie servent de relais entre deux terrasses de graviers, deux gorges étroites, deux zones quasi désertiques. Le volume et la violence des cours d'eau ont renforcés l'importance des quelques points clés qui permettent un franchissement. Ces endroits se devaient d'être également à l'abri des crues. La capitale du " petit Tibet ", " Leh " présente toutes ces caractéristiques. Idéalement placée sous le col de Kardung (5300 m) sa situation entre les quatre directions a fait de son " bazar " le carrefour incontournable pour les caravanes venues d' Asie Centrale, de Chine, de l'Inde, du Cachemire, du Tibet.
Les premières études de pétroglyphes dans cette région de l'Himalaya sont le fait en particulier de August Hermann FRANCKE (2). A rapprocher absolument de celles effectuées par Karl JETTMAR (3) sur les roches situées au proche (Cachemire) Pakistanais. A noter qu'il y coule certains de ses principaux affluents comme la "Hunza ". Les eaux souvent tumultueuses se sont frayées un passage qui relie les plateaux du Nord aux plaines pakistanaises au Sud. C’est pour cette raison que c’est en utilisant gorges étroites, terrasses alluviales qu’a pu être terminée en 1982 la " Karakorum Highway ". Des camions surabondamment décorés remplacent désormais les grandes caravanes, les armées qui depuis l'antiquité n'avaient d'autre choix que d'emprunter ce couloir naturel entre l'Asie Centrale et le continent Indien où bien de franchir les hauts cols de L'Himalaya.


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Au Ladakh les emplacements gravés ne manquent pas

Ainsi " Alchi " connu pour son ensemble monastique bâtit au 10éme siècle sur la rive gauche de l'Indus. Il est désormais classé parmi les chefs d'œuvre de l'art mondial et placé sous la protection de l’UNESCO.
Totalement ignoré par les flots de touristes, oublié par les habitants, un ensemble magnifique se trouve plus bas, sur le replat, qui domine le fleuve. Des dizaines de roches comportent des scènes remarquables. Chasses aux bouquetins avec des archers à pied, accompagnés de chiens, de félins aux corps rayés (tigres ?), des carrés, des roues solaires ou des signes en éclairs et encore d'autres animaux. Tout cela est parfois " recoupé " par des chortens, ces motifs bouddhistes à la patine " plus récente ". Là aussi, j'ai été frappé de voir que la concentration de pétroglyphes parait s'organiser autour de l'antique cheminement. Celui-ci se dirige au seul endroit logique où un passage, un pont (une passerelle ???) pouvait être aménagé. D'un franchissement certainement risqué quant on voit les restes des rampes d'accès sur les berges.

A coté de Leh, Phyang, Shey, Matho, Rumtek, Umla, où des pétroglyphes archaïques sont déjà bien répertoriés (4), de " Taru "(5) où se réalise depuis 3ans un " parc rupestre ", je voudrai citer " Raptsa " : : Entre Indus et Haut Col, une vallée perdue. Entre des pentes abruptes et dénudées, le torrent s'enfonce dans un canyon de granit rosé si caractéristique du Ladakh. Un seul passage, haut dans la rive droite. Sur le bord de la piste muletière, des petits blocs arrondis sont ornés. La taille du support, la dimension ainsi que la technique, le dessin, la patine rappellent toutes les autres représentations déjà évoquées. Par contre, dominant le sentier, la face sud d'un très gros rocher (3 m x 3m) porte une scène de chasse exceptionnelle. Des bouquetins ( ?) rayés, sont poursuivis par des chasseurs à pied accompagnés de chiens. Les pétroglyphes sont aussi de grandes dimensions, en particulier trois animaux (1m sur 1m environ chacun). Le piquetage paraît " frais " (?) mais bien plus ancien que les signes bouddhistes qui voisinent.
Les moments captivants de découvertes en septembre 2005, puis avec Solange mon épouse en Septembre 2006, l'envie d'en savoir plus sur les auteurs et l'époque des gravures m’incitent à faire des recherches. A part une photo dans un guide touristique (6), je ne trouve pratiquement pas de textes ni d'images (7) sur des pétroglyphes au Ladakh Zanskar. Enfin, je trouve l'étude comparative (8) rédigée par Henri Paul FRANCFORT (9), Directeur de Recherches au CNRS en collaboration avec Daniel KLODZINSKI et Georges MASCLE (10)


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Une ouverture exceptionnelle sur le monde des graveurs de l'Age du Bronze et Age du Fer dans la vaste Asie

Contexte préhistorique

La situation est assez complexe et très peu de recherches ont été menées au Ladakh même. La prudence s'impose donc, sachant néanmoins que des indices préhistoriques confirment une occupation humaine ancienne (phase Paléolithique et Néolithique) il faut donc s'orienter sur des repères contenus dans les motifs, les traits, les factures des pétroglyphes mêmes pour une approche de datation.
Lorsque l'on parcourt le monde Himalayen, on ne cesse de voir, d'admirer de multiples témoignages de la foi bouddhiste. Beaucoup ont pour support le matériel rocheux. Qu'il s'agisse par exemple de la statue géante de Mulbek(10m), de la frise des cinq Bouddhas de Shey ou des modestes " manis ", ces pierres gravées qui sont déposées par milliers sur d'innombrables murs de prières. Le travail de la pierre, la maîtrise des techniques et l'usage intensif de ce support depuis des siècles par les artistes locaux est remarquable et en fait un patrimoine artistique incontestable.
Au passage, il est intéressant de noter d'ailleurs, que les chortens et autres gravures bouddhistes "superposent " nettement les pétroglyphes " archaïques " Ces derniers sont donc bien antérieurs à l'introduction de cette religion vers le 8ème siècle dans ces régions.

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L’Avifaune

De par la religion bouddhiste pratiquée par la population, l’avifaune n'est pas chassée. Plus de 300 espèces sont cataloguées car outre des espèces résidentes bien adaptées, cette partie de l'Himalaya est placée entre deux zones climatiques, ce qui en fait un lieu de passage privilégié pour les oiseaux migrateurs. Mais les oiseaux sont rarement figurés sur les roches. Dans une composition animalière, une chasse, il semblerait qu'il n'y ait qu'une (?) seule représentation d'oiseau. Ici un rapace (aigle ?), là une perdrix ( ?), un canard ( ?) et plus curieusement un paon royal ( ?)
Peut-être s'agit-il d'oiseaux repères ? De symboles ? Indiquent-ils une saison? Pour les chercheurs, l'étude et la comparaison des oiseaux représentés, le style spécifique peut permettre d'affiner une datation. Photographié par KLODZINSKI sur le site de Char, H.P. FRANCFORT date la représentation d'un "oiseau […] entre 500 et 450 ans avant J.C ".


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Les herbivores

Le bouquetin (11) côtoie l'urial et/ou le bharal. Le cerf, originaire d'Asie, est aussi fréquemment représenté. C'est un bon repère chronologique, car c'est un thème fréquent à toutes les époques en Asie Centrale. Il est déjà évoqué dans tout l'art rupestre de cette région. Au Ladakh Zanskar il est encore aujourd'hui un symbole de bon augure et de fertilité. Suivant le dessin, la position, la tête, et d'autres détails, les chercheurs peuvent alors le comparer avec d'autres trouvailles datées avec certitude

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Les carnivores

Des félins, lynx, léopards des neiges ou loups, renards. Si les herbivores s'identifient bien par la forme du corps, par un dessin soigneux des cornes, les carnivores sont représentés généralement plus grands et se distinguent par des rayures ou des cercles/ronds qui suggèrent la robe ou encore par la position de la queue (enroulée, dressée, dans l'axe ; fine ou épaisse)
Les carnivores les plus reconnaissables sont les chiens. Ils apparaissent comme accompagnant, collaborant avec l'homme. Pour un chasseur il y a souvent plusieurs chiens mais dans un agencement observé à Char c'est un groupe de chiens qui paraît chasser seul.


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Les bovidés

Les bovidés sont beaucoup moins présents. Cela veut il dire qu'il n'y avait pas encore d'élevage ? Le yak parait plutôt être chassé que domestiqué. C'est pourtant l'animal essentiel aux populations d'altitude. Bien que toujours " relativement " sauvage, il porte les charges, il se monte. Il grimpe bien et il est plus sûr que le cheval. De sa chair à sa bouse séchée, tout est utilisé. Sa femelle est appelée Dri et c’est elle qui produit le célèbre lait ….anormalement baptisé ….. de Yak !

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Les équidés

Dans cette catégorie, l'animal le plus fréquemment représenté dans les gravures est le cheval. Il n'est jamais attelé à un char ou un araire. Les reproductions sont de factures différentes (taille, forme, piquetage) lorsqu'il est dessiné monté ou libre.
Libre, dans ce cas est-il encore " nourriture " ou " objet " de prestige ? Monté, donc domestiqué, sa taille est petite, cohérente avec celle de son cavalier et celle de son équipement comme l'arc. (N.B. le cheval toujours utilisé actuellement pour porter une charge ou un cavalier est toujours petit).
Les recherches nous indiquent que depuis bientôt 9000 ans, le chien a été le " collaborateur " puis le compagnon de l'homme. Si les ovins et aux bovins ont été domestiqués il y a plus de 5000 ans, le cheval lui est resté très longtemps chassé pour la consommation, la fourniture de " matériaux " et à la rigueur comme producteur de lait. Certainement plus difficile à capturer, à maîtriser puis à dresser, il a du trouver sa place dans notre environnement, il y a seulement entre 5000 et 3000 ans. Toutes ces dates varient bien sûr, suivant les régions du monde. Dans les zones de montagnes du monde entier comme dans les déserts, en raison des difficultés du terrain, la roue qui est connue, est sans intérêt pour les transports. (Les yacks, les lamas, les chameaux, les chevaux, parfois les chèvres et d’autres animaux portent…. A défaut c’est l’homme, comme par exemple au Népal, qui assume tous les portages.

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Les personnages

Les sujets sont petits et si la taille est plutôt constante elle est généralement inférieure à celle des animaux chassés. A pied, il est campé sur ces deux jambes : le sexe masculin très marqué. Parfois il parait habillé d'un long manteau semblable au vêtement traditionnel masculin des Hautes Terres. Si la "goncha" ladakhi ou la "chuba" tibétaine ne peut être confondue avec le vêtement féminin qui comporte corsage ou ceinture large, il faut aussi noter que chez les nomades "Chang Pa" hommes et femmes portent le même long vêtement baptisé alors "paska ". A cheval, le personnage parait toujours armé mais dans une action de chasse (et non pas de guerre).

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Les attributs

L'arc :
Celui qui est reproduit est petit et parait identique pour le cavalier comme pour l'homme à pied. Il n'est pas très grand et là aussi parait être d'une taille homogène avec celle de son utilisateur. (Un " grand " arc n'est pas pratique sur une monture). De ce fait on peut le rapprocher du " petit " arc (90 cm à 1 m 20) dont l'ancienneté est indiscutée. Très répandu pour sa facilité d'emploi et sa fabrication simple avec des matériaux locaux. Rustique et moins précis, il évoluera vers l'arc " composite " (dit aussi " asiatique ") un assemblage de lames de bois, d'os, d'écorce.

Une nouvelle amélioration produira un modèle dont les extrémités sont recourbées vers l'avant. Une arme redoutable. Toutes ces différentes versions sont toujours utilisés par les habitants dans les compétitions et les fêtes rituelles qui marquent en particulier le printemps (12). Cette tradition de l'arc se retrouve dans les mythes, les noms (13). Le nom de Dah (qui se traduit par " la flèche ") est porté par un village à proximité de l'Indus, dans le Bas Ladakh. Les Brogpas qui l'habitent, sculptent toujours des bouquetins sur des plaquettes de schistes. L'arc se retrouve également dans les symboles du pouvoir des rois du Ladakh et du Zanskar (à contrario il n'y a pas d'épée, de lame, de hache…….)
La masse d'arme :
Plus difficile à distinguer sur la roche, la masse d'arme est représentée à la ceinture ou brandie. Cette arme est commune dans les pétroglyphes d'Asie Centrale. Elle en est une des caractéristiques datée avec certitude de l'Age du Bronze.

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La datation

Une datation précise est l'affaire de spécialistes. Pour le moment on peut se référer à l'étude préliminaire qui a été publiée par H.P. FRANCFORT et ses collègues. Ils ont démontré que certaines gravures, spécifiques par leur style et leur iconographie, pouvaient être mises en rapport avec l'Asie centrale protohistorique (Age du Bronze et Age du Fer, c'est-à-dire entre 2500 et 500 avant J.C.)
Menacé de disparition, toutefois et heureusement, l'art rupestre du Ladakh Zanskar fait depuis quelques années l'objet de recensements et d'études diverses. Laurianne BRUNEAU (14), prépare une thèse sur l'art rupestre du Ladakh Zanskar : Elle écrit : " …. Il est espéré que l'étude mais aussi l'interprétation des données, permettra de comprendre le rôle qu'a joué le Ladakh Zanskar aux différentes époques entre l'Inde, le Tibet, la Chine et l'Asie centrale… ".

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Implantation des sites

Depuis près de 4000 ans, dans les hauts massifs de l'Himalaya, les signes gravés semblent, (pourraient ?) signaler des itinéraires le long des cheminements les plus " aisés ".
On peut citer par exemple entre la Mongolie et le Pakistan, les " roches " de Gilgit, (15) au bord de la Hunza qui se fraie un passage entre les sommets du Karakorum et l'Hindou Kush. Au Népal, les " pierres " de Kak Nyinba-(Kagbeni) (16) occupent les rives de la Kali Gandaki. Elle roule ses galets depuis le Mustang tibétain vers le Gange indien au fond de la plus profonde faille du monde, entre les 8000 m des Annapurnas et du Dhaulagiri.
Mais aussi, j'ai pu constater que les roches ornées, paraissent se multiplier en particulier dans des zones proches d'un passage difficile : gorges, défilés, cols, franchissements de cours d'eau comme à Char où à Alchi. Une espace plat, une plateforme, une disposition qui se retrouve sur les bords de la Doda, de la Tsarap (qui devient Zanskar après Padum) comme sur les rives de l'Indus à Khalse, à Dah où plus loin (au Paskistan) à Chilas.
Quelle est donc la nature de ces sites ? Balisages de chemins, de parcours de chasse, d'itinéraires vers les pâtures ou encore zones d'attente, espaces sacrés, limites de territoires ? Et les gravures sont-elles marques de prestige, de prières, de remerciements ? Il appartient aux chercheurs de mieux nous faire connaître les hommes qui sont à leur origine.

Je revois notre chauffeur cachemiri. Passé le Pensi la (4400 m), le pont sur la Doda était détruit par les crues. Alors que d'autres chauffeurs renoncent, que des camions se noient, il négocie avec habilité le passage à gué de son car. Alors que nous remontons à bord, il prend un pinceau et un pot de peinture rouge. Avec son grand sourire, il nous explique qu'il va écrire son nom sur un rocher proche pour " marquer " son exploit.

A coté de tous les émerveillements, toutes les questions que l'on peut découvrir sur les roches du Ladakh Zanskar, c'est le devenir de ces témoins archéologiques qui m'interpelle le plus.
Les faire connaître c'est aussi espérer les préserver. Signaler seulement l'existence des pétroglyphes aux " touristes marcheurs " pour qu'ils ne " passent pas à coté " est insuffisant. C'est même parfois un risque lorsque le visiteur par négligence, méconnaissance, absence de précautions, non respect des règles mais, hélas aussi malveillance imbécile, endommage irrémédiablement cet héritage. Une mise en valeur " touristique " se solde le plus souvent par une destruction aggravée et accélérée.
La protection des sites comme " CHAR " passe absolument et d'abord par la population locale. La prise de conscience de la valeur intrinsèque des gravures est une priorité immédiate. Il s'agit de leur histoire, de leurs ancêtres, d'un héritage à transmettre dont ils sont devenus les gardiens. Comme le mythique léopard des neiges, ces roches gravées méritent toutes les protections.
Les remarquables initiatives citées, les actions pour sensibiliser les populations, les autorités locales, nationales, mondiales, éduquer les guides et autres accompagnants sont les éléments pour assurer la conservation d'un patrimoine unique et fragile. Puisse ces quelques lignes y participer.


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Quelques précisions

A. Un orant : Le terme s'utilise normalement dans un contexte particulier, celui de l'art chrétien. Il désigne une figuration humaine représentée en prière, bras étendus, ou alors une statue funéraire représentant un individu en prière à genoux.
B. Les animaux : Difficile de distinguer les animaux. Formes, longueurs, espacements des cornes peuvent être un repère pour distinguer le Bouquetin (Capra ibex siberica). Il est plus difficile de faire la différence entre le Bharal (Pseudois nayaur) (le blue sheep Anglais) et l' Urial (Ovis vignei vignei).
C. le Dzo est l'hybride du yak avec la vache, la femelle du Yak est appelée Dri et qui produit le lait …de Yak !
D Les supports. Un repère chronologique : comme la nature, la forme de la roche gravée, les couleurs sont importantes. Ainsi certains blocs sont " arrondis " et d'un très " brun sombre ". Cette patine, nommée "vernis du désert " est très intense et bien conservée sur les roches cristallines du fait des conditions périglaciaires. Les études menées sur les dépôts des moraines ont permis d'établir une chronologie liée aux variations des glaciers alors que d'autres roches gravées se présentent sur des blocs avec des arêtes. Ils semblent plus " récents " avec peu ou pas de patine.
E. Les dimensions : Sauf le gros rocher de Rapsta (3m x 3m), les dalles et quelques gros blocs à Char, la taille des roches gravées est plutôt de 1m x 1m voire inférieure. L'accessibilité et la position du graveur sont aisées. La taille du sujet est généralement de dimensions modestes (5 à 10 cm ).
F. Le dessin : Soit c'est seulement par un contour que la représentation est suggérée, soit le sujet est totalement rempli. On pourrait distinguer une troisième famille où l'intérieur du dessin est rayé, orné de points, de cercles.
G. La technique : Piquetage (percussion) par petits impacts avec un outil type burin en pierre dure (quartz ???) ou peut-être en métal ?
H. La domestication du cheval : Le cheval Kirghize mesure à peine un mètre cinquante au garrot, son encolure est large et c'est un remarquable montagnard. Il est essentiel aux éleveurs nomades du Kirghizstan.
I. les Brogpas : pour certains appelés " aryas ". Un sous groupe de l'ensemble de la population dite " Dardes ". Une fraction des peuples " aryens " qui parlent (ont parlés) les langues Indo -iranienne. D'origine " aryenne " ? " Descendants " des soldats d'Alexandre le Grand ? Animistes avant d'être bouddhistes. Ce qui est certain c'est que leurs caractéristiques physiques sont bien différentes des autres ethnies de Ladakh Zanskar et que les ethnologues ont encore de belles recherches en perspective.
J Datation : Dans toute l'Asie Centrale, il y a des sites de pétroglyphes nombreux et riches. (Ljangar, Saymal-Tash, Tamgaly…). Ces groupements présentent là aussi des " panneaux " de cavaliers, des scènes de chasse, des animaux…Les chercheurs font remonter la chronologie à l'âge du bronze…. (Plus de 5000 gravures relevées à Tamglay au Kazahstan sont ainsi datées de la seconde moitié du deuxième millénaire avant J.C. jusqu'au début du xx° siécle.
K Regards : Mongolie, Tadjistan, Kirghistan etc …. les images des pétroglyphes font immédiatement penser à ceux trouvés au Ladakh Zanskar…..

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Règles élémentaires pour protéger ce patrimoine inestimable

Ne pas marcher dessus les scènes gravées paraît évident, comme de ne pas utiliser ses bâtons à proximité. Plus sournois sont les surlignages ou le fait de répandre de l'eau (qui fait " claquer la roche ") pour prendre LA photo.


ne pas dessiner un petit " mickey " où ses initiales, vouloir détacher, emporter un morceau de roc sont des actes stupides, dramatiques et irresponsables.


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Bibliographie

(1) D. KLODZINSKI : 1982 : *Des gravures rupestres en Himalaya - Zanskar*- Bulletin de la Société d'Etudes Littéraires et Scientifiques du Lot.
(2) A.H. FRANCKE : Travaux et découvertes de 1902 à 1925
(3) K. JETTMAR et THEWALT V. (1987) : Roches gravées le long de la haute route du Karakorum - Mayence - Philipp von Zabern et aussi K. JETTMAR : Des travaux depuis 1982. En 1989 publie : *les inscriptions sur les rocs dans la vallée de l'Indus - Mayence - Philipp von Zabern
(4) Martin VERNIER, a répertoriés à ce jour plus de 10 000 gravures réparties sur une centaine de sites rupestres : http://www.fcmm.org : projet Ladakh.
(5) Création à l'initiative de S.D. JAMWAL http://www.himalayanaffairs.org dans un but de protection de blocs remarquables (en place ou ramenés) http://www.highasialadakh.com
(6) Photo d'un " rocher gravé " au Zanskar page 48 du *Grand Guide GALLIMARD de l'Inde du Nord Ouest (2001) (7) Photo d'une scène de bataille (?) page 183b PEISSEL. *Les Royaumes de l'Himalaya Ed. BORDAS (1986)
(8) Henri Paul FRANCFORT, Daniel KLODZINSKI, Georges MASCLE. *1990, Pétroglyphes archaïques du Ladakh et du Zanskar, Arts Asiatiques, Tome XLV. Annales du Musée national des Arts Asiatiques - GUIMET et musée CERNUSCHI
(9) Henri Paul FRANCFORT : Directeur de recherches au CNRS. Directeur de la MAFAC (Mission Archéologique Française en Asie Centrale) : des écrits en particulier de 1990 à 1997 comme : *Des Pétroglyphes I et II à l'âge du bronze " http//www.diplomatie.gouv.fr.
(10) G. MASCLE : Photographies et relevés au Zanskar (Choktsi)
(11) Réf : DOLFUS : P. 1988, " La représentation du bouquetin au Ladakh, région de culture tibétaine de l'Inde du Nord ", Tibetan Studies, Proceedings of the 4th seminar of the International Association of Tibetan Studies- Münich 1985, Band II, Uebach, H./J.L. Panglung (dir.), p.125-138.
(12) Olivier FÖLLMI relate un rituel au village de Ichar (à une journée de marche de Char) page 91. *Si loin des Hommes, si près des Dieux. Editions la Martinière 1998
(13) La Maison des Himalayas (Association 1901) http://www.maisondeshimalayas.org
(14) Laurianne BRUNEAU que je remercie. Membre de l'équipe de H. P. FRANCFORT en collaboration avec Messieurs JAMWAL et VERNIER, elle poursuit sur le terrain son étude sur " Les pétroglyphes de l'Himalaya Occidental " et prépare sa thèse. Lauréate de la bourse SCHNEIDER - Louis FOREST (Lettre et Sciences Humaines).
(15) http://www.blankonthemap.free.fr
(16) Dr. Perdita POHLE: Chercheuse http//.www.uni-giessen.de/geographie * Petroglyphs as elements of the cultural landscape of Mustang.


Textes et images © Christian CHABERT CC/SCV 10/2007 - Tous droits réservés


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